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entendre le cri de Platon : « Les peuples ne seront heureux que quand les philosophes seront rois ? » et les philosophes seront rois quand tous les professeurs de philosophie seront représentons du peuple. Ce qu’il y a de curieux chez Monthyon, c’est qu’au moment de passer à l’application et de juger la valeur d’un impôt déterminé, il donne des conclusions qui, étant toutes de sentiment, sont singulièrement flottantes. Il passe aisément de la proscription à la tolérance et de la tolérance à la réhabilitation de l’impôt tout d’abord condamné ! Voici par exemple l’impôt sur les liqueurs, qu’il considère d’abord comme une punition du vice de l’ivrognerie. L’amende sur les ivrognes ne saurait être trop élevée : il faut imposer les liqueurs et les charger d’une taxe très lourde. Mais il lui vient tout d’un coup cette réflexion, qu’il est des liqueurs « qui, suivant l’usage qu’on en fait, modéré ou excessif, disposent à la gaîté et à la satisfaction de tout ce qui existe, ou troublent la raison sont une source d’actes insensés, de violences, souvent de crimes. Au contraire, d’autres liqueurs rectifient le jugement, portent à la méditation, souvent à la censure. Le caractère des peuples doit donc déterminer à favoriser, restreindre, prohiber, par des impôts, l’usage de ces diverses liqueurs. »

Nous nous trouvons donc en présence de trois conceptions, ou plutôt de deux, car celle des philanthropes n’a pas de valeur économique ; elle a toujours produit dans l’application des effets contradictoires à son objet. L’une, le panthéisme d’État, est née du socialisme ; l’autre la libérale, a eu son berceau dans l’Assemblée nationale de 1789.

Les socialistes ou les radicaux, car il est difficile au point de vue financier de les distinguer les uns des autres, ont certainement le droit de se réclamer de la Convention, où des doctrines semblables à la leur ont été produites et ont été formulées en lois.

Les hommes qui ont été à la tête du mouvement s’étaient dévoilés de très bonne heure, comme nous l’avons déjà dit, et dès 1789 on a pu se rendre compte du but qu’ils poursuivaient. Mais en 1789 ils avaient contre eux une majorité très compacte, et, à moins de vouloir considérer les finances de la Révolution en bloc, comme on a voulu le faire pour ses actes politiques, on est bien obligé de reconnaître que nos doctrines sont de 1789, comme celles des socialistes et des radicaux sont de 1792 et de 1793.


IV

Des orateurs ont voulu contester cette affirmation. Il paraît que la date de 1789 a une valeur pour eux, puisqu’ils veulent nous