Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 125.djvu/494

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dont le fondateur a été Quesnay. Entre le docteur Quesnay et les économistes financiers modernes, il y a une chaîne ininterrompue de philosophes économistes dont les premiers anneaux sont Turgot d’abord, ensuite Dupont de Nemours, enfin J.-B. Say et ceux qui après lui ont fait faire de nouveaux progrès à la science.

L’Assemblée constituante a légiféré en matière de finances au moment où l’anneau de la chaîne était Dupont de Nemours, et c’est Dupont de Nemours qui a rédigé cette Adresse aux Français, code général de la finance de 1789, qui est un monument de notre histoire. Telle est notre origine et telle est notre filiation.

Nous avons donc une histoire, ce qu’on peut appeler une doctrine historique. Nous en avons tiré une conviction philosophique, ce qui fait que nous avons une doctrine économique. Nous ne sommes donc pas en état d’infériorité vis-à-vis de nos adversaires socialistes. Nous avons avant eux conçu une méthode, et par cette méthode nous avons abouti à une doctrine. Notre programme est l’application de cette doctrine. Tout s’enchaîne très naturellement dans notre conception de la justice en matière d’impôt et dans la méthode d’application qui en découle.

Rien n’est plus simple que notre histoire, rien ne sera plus clair que notre programme.

Le premier, le plus grand service qu’aient rendu les physiocrates à la science financière, est d’avoir établi sur des fondemens inébranlables la théorie des lois économiques et sociales naturelles. Nous croyons avoir perfectionné leur démonstration de la puissance de ces lois.

Nous disons comme eux qu’il est impossible de changer la nature humaine ni les lois générales qui assurent le développement et le progrès de l’homme. Nous ne sommes maîtres ni des lois physiques, ni des lois morales, ni des lois économiques. Une dépend pas de nous de les abroger. Nous n’avons qu’un seul champ de culture économique, restreint par la nature, soit ! mais ce champ nous paraît assez vaste pour pouvoir y récolter tout ce qui dans l’ordre économique intéresse l’humanité.

En matière d’impôt par exemple, nous avons reconnu — ce qui nous donne des avantages pratiques considérables sur nos adversaires et ce que je ne crains pas d’appeler notre supériorité dans la rédaction des lois — qu’il est puéril de vouloir faire payer les impôts, à notre volonté, par des contribuables arbitrairement choisis par le Parlement, et de prétendre les condamner à subir le poids des impôts alors qu’ils ont des moyens naturels et plus puissans que toutes les lois positives de rejeter sur d’autres le fardeau que des législateurs naïfs veulent mettre sur leurs épaules.