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avantage de le débarrasser de la présence de ce malheureux et du poids de la reconnaissance à lui témoigner.

Vers cette même époque, l’état politique du Rif, éternellement en rébellion contre l’autorité nominale de la cour marocaine, devint très inquiétant. Il fallait à tout prix empêcher des incidens aux alentours des présides ou petites places de guerre que les Espagnols y entretiennent depuis des siècles, et le sultan, malgré les difficultés de tout genre d’un tel voyage et à un pareil moment, n’hésita point à se mettre en route.

Au retour de cette expédition qui fut très courte, il fallut se rendre à Merâkech afin de rétablir dans cette ville l’ordre, que le pacha était impuissant à maintenir. Mais telles sont les difficultés que les sultans rencontrent au Maroc qu’à peine arrivé à Merâkech, Moulaï-el-Hassan fut obligé de reprendre en toute hâte la direction du nord de ses États et de se porter à la frontière algérienne, où un de ses qaïds ou gouverneurs, et Hadj-Mohammed-ould-el-Bachir, causait de graves embarras aux autorités françaises de la province d’Oran. Parvenu dans la partie supérieure de la vallée de l’Ouad-Innaouen, à la hauteur de la ville de Tâza, il y fut surpris dans un ravin par les montagnards de la tribu des lliata, qui infligèrent un grave échec à l’armée impériale. On raconte que Moulaï-el-Hassan eut son cheval tué sous lui, et que, ayant perdu son turban et ses babouches au fort de la mêlée, il ne dut le salut qu’à la fuite. Un des fils du chérif de Ouazzan avait accompagné le sultan jusque-là, mais deux jours auparavant, il avait quitté la colonne, par suite de difficultés personnelles avec une partie de l’entourage : il n’en fallut pas davantage pour permettre aux fidèles de la famille de Ouazzan — qui possède du reste une grande influence religieuse chez les Riata — de répéter que la protection de leurs chefs était indispensable au sultan, puisque le départ d’un des leurs avait coïncidé avec ce combat malheureux, et que les montagnards n’auraient pas osé attaquer l’armée s’ils y avaient connu la présence d’un délégué de Ouazzan.

Quoi qu’il en soit, l’armée fut ralliée et on continua jusqu’à Ouchda, où El Hadj-Mohammed-ould-el-Bachir ne voulait point se rendre à la convocation du makhzen. Il flairait quelque piège et se sentait assez coupable pour se dérober. Afin de le décider, Moulaï-el-Hassan lui envoya son chapelet en signe de pardon et de protection. Le malheureux eut le tort de s’en remettre à cette parole et de se rendre au camp impérial : il fut enlevé, chargé de chaînes, et expédié à la prison d’Etat de Fez, puis à celle de Merâkech.

Le général Osmond, qui commandait alors les troupes de la