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proposer aux travailleurs des champs que ceux-ci ne trouvent à côté d’eux ? Le congrès socialiste révolutionnaire de Marseille a formulé en 1892 une sorte de programme adressé aux habitans des campagnes. En dehors de déclamations qui présentent les grands propriétaires comme les ennemis nécessaires des petits cultivateurs, alors que ceux-ci les voient à la tête de toutes les œuvres utiles, qu’y trouve-t-on ? Le droit attribué aux syndicats à créer, et, dans les communes où il n’en existerait pas, le droit pour le conseil municipal, de fixer le salaire des journaliers agricoles, des valets et filles de ferme. Quel est le fermier qui accepterait ainsi l’ingérence du conseil municipal dans ses affaires ? Le conseil municipal, d’ailleurs, n’est-il pas invariablement composé des principaux cultivateurs de la commune ? Un autre article qui ne dénote pas une moindre ignorance de la vie rurale, est l’obligation imposée aux communes d’affecter l’excédent des revenus communaux à l’acquisition de terres que le conseil municipal louerait, au profit de l’assistance communale, à des habitans non propriétaires avec l’obligation de les cultiver eux-mêmes sans l’assistance d’aucun salarié. Quand toutes les communes crient justement misère, quand elles sont écrasées de dettes, il est au moins original de les inviter à se rendre propriétaires de biens qui ne leur rapporteraient rien. Tout le reste du programme, fort bien analysé par M. de Rocquigny, est de cette force. Nous ne croyons pas qu’il puisse exercer une grande séduction sur les populations rurales, et que celles-ci y voient l’équivalent des services que les syndicats actuels leur ont rendus et leur rendent tous les jours. La réforme des tarifs douaniers, l’échec des impôts proposés sur les fruits à cidre, les réductions obtenues des compagnies de chemins de fer sur les frais de transport des denrées agricoles, l’institution de l’assistance médicale gratuite, dont l’honneur revient à un conservateur, M. Déjardin-Verkinder, paraîtront justement aux cultivateurs des titres plus sérieux à leur confiance. Ils ne feront pas sur l’autel du socialisme le sacrifice de leur petit bien, de leurs modestes économies, ni des deux ou trois obligations acquises au prix de tant d’efforts et qui constituent à leurs yeux la dot future d’un de leurs enfans.


III

Nous venons de passer en revue les diverses forces qui s’organisent au sein de notre démocratie ; mais nous ne saurions nous en tenir à de simples données statistiques. Est-il possible d’admettre, avec les alarmistes du jour, qu’il existe désormais en