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bi-mensuel, contenant le résumé de leurs opérations, le cours des engrais et le cours des marchés, des renseignemens utiles et des conseils pour l’application de nouveaux procédés. Les syndicats plus modestes se contentent d’un almanach ou d’un annuaire.

Telles ont été les origines du mouvement syndical qui embrasse aujourd’hui l’universalité des départemens et dont le développement se poursuit sans bruit, mais sans interruption. On ne saurait trop y applaudir, parce que c’est une œuvre spontanée sortie exclusivement de l’initiative privée, en dehors de toute action et de toute ingérence administratives. Elle est venue combler une lacune dont il n’y a plus à se préoccuper ; elle a donné à l’agriculture une représentation officieuse, mais plus indépendante, plus complète et plus fidèle qu’on ne l’aurait pu attendre de tous les projets émanés des bureaux ministériels. Elle s’enracinera de plus en plus dans le pays par les services qu’elle lui rend ; car c’est un instrument de progrès d’une rare puissance. Au témoignage de M. Le Trésor de la Rocque, le commerce des engrais chimiques ne dépassait pas, en 1870, 50 millions, et il n’était fait presque aucun emploi des insecticides et des produits destinés à protéger la vigne, les pommiers, les cultures maraîchères : actuellement, la consommation des agens chimiques, français ou étrangers, de toute nature, dépasse annuellement 400 millions[1], et les prix demandés aux cultivateurs sont fort inférieurs à ceux du passé. La réduction sur le prix des machines et ustensiles agricoles a été également très considérable ; enfin l’emploi des instrumens nouveaux et perfectionnés s’est fort répandu, grâce aux conseils, à la propagande et à l’intervention bénévole des syndicats. Au-dessus de ces services matériels, si importans qu’ils soient, on ne doit pas hésiter à placer les services moraux dont l’agriculture est redevable à cette institution. Les syndicats ont été des foyers d’enseignement mutuel, au sein desquels les cultivateurs les plus arriérés ont dépouillé leur ignorance et leurs préjugés. Ils ont appris la prévoyance, la pratique de la comptabilité et des règles commerciales et le respect de l’échéance. Leur inexpérience technique a été corrigée par l’exemple de leurs voisins : ce sont les moins fortunés, les plus humbles, qui ont surtout tiré profit des faveurs obtenues et des enseignemens donnés par les syndicats. On ne saurait exagérer l’importance, au point de vue social, de l’établissement et de la diffusion du crédit agricole : c’est par là, en effet, que le cultivateur pourra s’affranchir des difficultés

  1. Voyez dans la Revue du 15 juillet et du 15 août les savantes études de M. P.P. Dehérain sur les Engrais.