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des terres les plus médiocres : l’abaissement sensible du fret, résultat de la substitution de la vapeur à la voile et de l’emploi des grands navires à fort tonnage, lui avait suscité aux États-Unis, en Australie et dans l’Inde, des concurrens de plus en plus redoutables dont les envois écrasaient le cours des céréales. Le seul moyen de soutenir cette concurrence était d’accroître le rendement des terres françaises par l’emploi de nouveaux agens fertilisateurs. Mais où trouver ces engrais ? comment discerner les mieux appropriés à chaque sol ? comment s’assurer qu’ils n’étaient pas vendus au-dessus de leur prix ou qu’ils n’étaient pas falsifiés par des commerçans de mauvaise foi ? comment les acquérir en quantités suffisantes quand on n’avait pas de quoi payer comptant et qu’il fallait demander du temps ? Tous ces problèmes paraissaient insolubles pour des cultivateurs inexpérimentés, dont l’éducation scientifique et commerciale était à faire. L’emploi des nouvelles méthodes et des procédés perfectionnés semblait devoir demeurer restreint à la région du Nord, où les cultures industrielles avaient éveillé l’esprit d’initiative. Cependant, un professeur départemental d’agriculture avait amené un certain nombre d’agriculteurs de Loir-et-Cher à s’associer en vue d’acheter en commun des engrais chimiques, de les acquérir ainsi à meilleur prix et d’obtenir un contrôle qui en garantît la qualité. Ce fait tout nouveau attira l’attention, et lorsque la loi de 1884 vint légitimer et favoriser les associations, les cultivateurs de Loir-et-Cher trouvèrent bientôt des imitateurs. La société des Agriculteurs de France, et de sincères amis de l’agriculture, en tête desquels il convient de placer M. Deusy, d’Arras, pressèrent les cultivateurs d’entrer dans cette voie, en faisant ressortir les avantages qu’ils en retireraient. L’élan donné, les syndicats surgirent de toutes parts : de 5 en 1884 et de 39 en 1885, le nombre des syndicats agricoles s’est élevé à 1100 en 1891. M. le comte de Rocquigny, dans un livre très intéressant sur le rôle et l’avenir des syndicats agricoles, en porte le nombre actuel à 1300, et leur attribue 600 000 adhérens. Quelques syndicats embrassent l’étendue d’un arrondissement et même d’un département, et comptent leurs adhérens par milliers : la plupart circonscrivent leurs opérations à un canton, quelquefois même à une commune, lorsqu’elle est de quelque étendue et de quelque importance. Les syndicats modestes sont peut-être les plus utiles, parce que les auxiliaires de l’agriculture, colons et même ouvriers, montrent de l’empressement à en faire partie, et que les relations qui s’établissent entre eux et les propriétaires du sol sont un gage précieux d’union et de concorde. Deux cents syndicats publient un bulletin mensuel ou