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plus singulières se rapportent exactement aux notions primitives et en continuent l’esprit. L’ensemble est complet, bien lié, étroitement soudé au passé, et cela en une matière qui domine souverainement la vie et les préoccupations les plus intimes. C’est donc une institution organique qui puise sa sève à des sources très profondes.

Les guildes du moyen âge font, par plus d’un usage, penser à des traits connus de l’organisation antique. Qui oserait prétendre qu’elles en soient les héritières directes ? Des coutumes, qui, sous l’empire d’idées nouvelles et d’une complète révolution morale, n’avaient survécu qu’en perdant dans la conscience publique leur signification et leur vie propre, y ont pu rentrer par des cheminemens plus ou moins obscurs : je veux que le ; patronage d’un saint y soit le reflet de l’éponymat des béros antiques, que le repas qui, à certains jours solennels, en réunissait les membres, soit un souvenir du repas de famille ; il n’y a pas de l’un à l’autre de transmission continue, de filiation immédiate. Rien dans les guildes qui corresponde à la solide cohésion de la corporation familiale. Elles ne sont pas seulement ouvertes à tout venant pourvu qu’il remplisse les conditions requises, elles n’imposent aucune entrave à la vie civile et privée de leurs membres. Les ressemblances sont, en quelque sorte, accidentelles et fragmentaires. Il est croyable que les repas qui, aujourd’hui encore dans nos campagnes, rassemblent après un enterrement les parens et les amis du défunt, ne sont pas sans connexité avec les repas funèbres de l’antiquité. Qu’importe si, dans ce long trajet, l’usage a perdu sa portée originaire ? D’un tout autre ordre est la parenté qui lie la caste au système ancien de la communauté familiale. C’est de l’une à l’autre une continuité véritable, une transmission directe de la vie.

Est-ce à dire que l’Inde ait simplement conservé un type primitif de la constitution aryenne ? Telle n’est assurément pas ma pensée. Des prémisses communes, si la caste a pu sortir dans l’Inde, il est sorti dans les pays classiques un régime tout différent. Mais la caste est restée tout imprégnée de notions qui l’enchaînent à l’arrière-plan aryen. Comment, dans les conditions uniques où elles se trouvèrent transplantées sur le sol de l’Inde, ne se seraient-elles pas épanouies en une institution originale ? La physionomie en a été altérée au point de rendre d’abord méconnaissables dans la caste les types plus primitifs ; elle en est pourtant la légitime héritière. Nous n’avons rien fait tant que nous n’avons pas saisi le mécanisme de cette transformation.

Les hymnes védiques sont trop peu explicites sur les détails de la vie extérieure et sociale. Nous y voyons au moins que la