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celui du Nil. Désormais, plus de contestation possible entre l’État indépendant et nous. Les postes qu’il occupe sur notre territoire seront remis à nos agens dans des conditions à régler entre les deux gouvernemens, et les difficultés au milieu desquelles nous nous débattions diplomatiquement depuis plusieurs années se trouvent résolues d’un seul coup. Quant à la zone d’influence de l’État indépendant au-delà du bassin du Congo, elle ne pouvait plus comprendre le Bahr-el-Gazal, qui serait resté en l’air en quelque sorte depuis qu’il ne se rattachait plus aux territoires définitivement attribués à la France. Cette zone sera limitée par le 30e degré de longitude dans un sens, et par le 5° 30’ de latitude dans l’autre. Ce dernier parallèle coupe le Nil un peu au-dessus de Lado. N’ayant aucun intérêt au sud de cette ligne, nous n’avons pas à nous préoccuper de ce que pourra y faire l’État du Congo. Nous ne lui donnons pas les territoires qui y figurent ; nous ne les lui cédons pas à bail, car ils ne nous appartiennent pas : nous nous bornons à nous en désintéresser.

Tel est, dans son ensemble, l’arrangement du 14 août, qui fait honneur aux négociateurs belges et à M. Hanotaux. Le but poursuivi a été atteint sans froissement d’amour-propre soit pour l’une, soit pour l’autre des deux puissances. Nous avons fait, au profit de l’État indépendant, quelques concessions territoriales que nous ne regrettons pas, car nous voulons vivre en bons termes avec nos voisins. L’Afrique est assez grande pour que toutes les puissances civilisées s’y développent longtemps encore sans se heurter maladroitement. Si l’on songe aux conséquences funestes qu’aurait eues pour nous, pour l’État du Congo, pour la Belgique, pour l’Angleterre elle-même, l’échec des négociations de Paris, on reconnaîtra que l’Europe était intéressée à leur succès. Est-ce à dire que tout soit fini et que l’avenir se présente sans aucune ombre ? Non, sans doute. La question du Bahr-el-Gazal n’est pas résolue parce que le roi Léopold a renoncé à s’y établir. Notre diplomatie a besoin d’être plus vigilante et notre action coloniale plus habile et plus alerte que jamais. Mais ce qui a été fait a été bien fait, et, pour le reste, à chaque jour suffit sa peine.

Le gouvernement britannique se rend parfaitement compte, lui aussi, que tout n’est pas terminé, et il a même donné à son sentiment une forme dont la solennité a provoqué quelque surprise. Le Parlement anglais a clos sa session le 25 août, et, à ce propos, il a entendu la lecture d’un message de la Reine conçu dans des termes assez insolites. Si c’était l’empereur d’Allemagne, ou l’empereur de Russie qui eût tenu ce langage, on pourrait même en éprouver un peu plus que de l’étonnement : mais l’Angleterre est un pays strictement parlementaire, et, en écoutant la reine Victoria, il est bon de se rappeler que c’est lord Rosebery qu’on entend. C’est beaucoup sans doute, mais enfin ce n’est pas tout à fait la même chose. La Reine s’exprime donc ainsi : « Mes relations avec