Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 125.djvu/224

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

porte ouverte sur l’Orient, « ville cosmopolite, brillante et bruyante, en comparaison de laquelle Londres est un couvent de trappistes. » Un Américain lui avait dit que Dijon était un confortable petit endroit pour y passer une nuit, et un autre s’était plaint qu’on n’y trouvait rien à voir. Elle y a vu une foule de choses qui l’ont intéressée ; elle affirme que c’est une des villes les plus charmantes de France, l’une des meilleures à habiter. Elle déclare également que si La Rochelle n’est pas aussi engageante que Dijon, aussi élégante que Nancy, aussi pittoresque que le sombre Le Puy, aussi romantique que Mende ou Saint-Claude, aussi gracieuse qu’Autun, aucune ville n’a parlé si vivement à son imagination : none fascinate us more.

Si elle a du goût pour les cités bien situées, qui possèdent de vieux monumens historiques, elle tient en plus haute estime celles qui ont le souci de s’embellir et qui font beaucoup pour le plaisir et l’instruction de leurs habitans. Après avoir visité la bibliothèque publique de Grenoble, sa galerie de peinture et d’antiquités, ses collections d’histoire naturelle et son jardin botanique : « Je voudrais pouvoir citer, écrivait-elle dans son journal, une ville de la même taille en Angleterre, en Écosse, en Irlande ou dans le pays de Galles qui soit aussi bien dotée à cet égard. » Elle parle avec enchantement de petites bourgades où elle a trouvé de très petits musées, qui un jour deviendront grands. Somme toute, elle se déclare satisfaite de nos édiles provinciaux, tout en leur représentant qu’ils ont encore beaucoup à faire en tout ce qui concerne la salubrité publique, l’hygiène, l’assainissement et le nettoyage des rues. Elle est plus sévère pour nos hôteliers ; elle se plaint que leurs auberges sont aussi bruyantes que peu confortables, que ce qui s’est le moins amélioré en France dans ce siècle, c’est la tenue des hôtels. Mais comme elle est indulgente pour nous, même en nous grondant, et qu’elle saupoudre d’une pincée de sucre les amandes amères, elle ajoute : « C’est probablement l’amabilité nationale qui est cause de cette stagnation. J’ai plus d’une fois voyagé avec des amis français, et je ne les ai jamais entendus se plaindre de rien, si ce n’est d’un dîner immangeable. Les désagrémens, les incommodités qu’anathématise l’Anglais sont regardés par eux comme une chose toute naturelle. Aussi les hôtels qui ne sont fréquentés que par les Français restent stationnaires d’année en année et de génération en génération, tandis que partout où nous allons tout se transforme. » Elle a raison, et nous ne sommes pas assez reconnaissans à nos voisins d’outre-Manche des services qu’ils rendent à notre bien-être ; si nous trouvons en maint endroit de meilleurs lits et des planchers propres, c’est à ces grands purificateurs de gîtes insalubres que nous en sommes redevables.

Dans ses tournées à travers les villes et les campagnes, miss Betham porte partout avec elle des préoccupations humanitaires, et ce qui