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carbonate de potasse qui la dissout ; de même, si on fait bouillir de la terre riche en matières organiques avec du sulfate de potasse, on voit la liqueur se colorer fortement, la matière ulmique est mobilisée.

En détruisant l’adhérence de la potasse au sol, en lui rendant sa faculté de dissoudre les matières ulmiques, aliment de préférence des légumineuses, le plâtre exerce donc une action favorable sur les terres riches en humus. On conçoit, en outre, qu’on puisse substituer au plâtre le sulfate de potasse quand son prix n’est pas trop élevé, comme l’ont fait MM. Lawes et Gilbert dans une expérience restée célèbre. Et on conçoit enfin que le plâtre soit sans effet sur une terre pauvre en humus, ce qu’avaient observé les correspondans de la Société d’agriculture dont les dépositions ont été résumées par Bosc.

On s’accorde à reconnaître que 300 ou 400 kilos de plâtre à l’hectare distribués au premier printemps sur les jeunes trèfles, luzernes ou sainfoins sont suffisans ; c’est là une très faible dépense, le plâtre cru ne valant guère que 20 francs la tonne. Aux environs de Paris, son effet est peu sensible ; il n’y a pas lieu de s’en étonner : le plâtre étant naturellement abondant dans le bassin parisien, une nouvelle addition n’est pas utile.

La culture n’a fait au XVIIIe siècle aucun progrès comparable à l’introduction dans les assolemens des prairies artificielles ; elles ne s’étendirent que lentement : pendant qu’il parcourt la France, quelques années avant la Révolution, A. Young note au passage les terres, encore peu nombreuses, sur lesquelles croît la luzerne ; et bien qu’il ignorât les raisons qui rendent cette culture si précieuse, les résultats qu’il en avait obtenus le poussaient à la recommander et à juger de l’état d’avancement de l’agriculture dans une région par la place qu’on y accordait au trèfle ou à la luzerne. Nous pouvons aujourd’hui, en connaissance de cause, admirer sa sagacité ; la découverte de MM. Hellriegel et Wilfarth, en nous apprenant que les bactéries qui peuplent les nodosités des racines des légumineuses fixent l’azote de l’air, nous explique comment les plantes de cette famille enrichissent les sols qui les ont portées ; elle nous fait comprendre enfin combien est précieux le plâtre, l’amendement qui, favorise le développement de ces plantes si justement nommées améliorantes.


III

Si le progrès agricole le plus marqué du XVIIIe siècle est l’introduction dans l’assolement des légumineuses, soutenues par