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nécessaire à la vente sur analyse. Ces manipulations transforment au reste le guano en un mélange de sulfate d’ammoniaque et de superphosphate de chaux, et dès lors, il subit la concurrence des engrais chimiques qui ont fait cesser l’engouement dont le guano a été l’objet, au moment où le mode d’action des engrais était moins connu qu’il ne l’est aujourd’hui.

Les déjections des oiseaux de mer ne sont pas seules employées ; on fait usage également, sous le nom de colombine, des produits extraits de tous les locaux où séjournent les volailles ; on rencontre en outre, dans quelques grottes habitées par les chauves-souris, un engrais tout à fait analogue au guano. Enfin on a essayé à diverses reprises d’utiliser à la fabrication des engrais tous les résidus des pêcheries. Sur notre côte bretonne, avec les parties non comestibles des sardines ; aux îles Loffoden on Norvège ; à Terre-Neuve où s’accumulent les résidus de la pêche de la morue, on a fabriqué des engrais de poisson. En soumettant à l’action de la vapeur d’eau surchauffée tous ces débris, on en extrait de l’huile, puis t(jute la masse devient dure, cassante, passe facilement au moulin, et forme une poudre commode à répandre.


IV

L’emploi des matières excrémentitielles humaines est très localisé ; il n’est qu’un petit nombre de contrées où les cultivateurs ont surmonté la répugnance très légitime que provoquent ces engrais. Une longue accoutumance a rendu les Chinois insensibles aux inconvéniens qu’entraîne le transport constant sur les routes, dans les rues, de ces matières nauséabondes ; leur efficacité comme engrais est telle, qu’aujourd’hui le Céleste Empire est peut-être le pays du globe où la population présente la plus grande densité. En France, aux deux extrémités du territoire, on fait usage des matières excrémentitielles depuis un temps immémorial : dans le Var, les Alpes-Maritimes, ces engrais sont répandus dans la culture des plantes à fleurs qui alimentent les parfumeries ; et tout à fait au Nord, dans l’ancienne Flandre, les matières fécales sont d’un usage tellement constant qu’elles ont reçu le nom d’engrais flamand.

Leur emploi implique la conservation des fosses d’aisance qui présente de terribles inconvéniens et tout d’abord au point de vue de la salubrité : ces fosses, rarement étanches, laissent suinter, par le fond ou les parois, les liquides nauséabonds qu’elles renferment ; ils contaminent les terres voisines et les nappes d’eau souterraines. On ne trouve habituellement dans l’eau des puits salubres que des traces d’ammoniaque : or, il y a quarante ans, Boussingault