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Suivant Antonio de Ulloa qui accompagna en Amérique les académiciens français, qui y furent envoyés au XVIIIe siècle pour mesurer un arc du méridien, « quand les oiseaux commencent à traverser le port de Callao, on n’en voit ni le commencement ni la fin. » Ces oiseaux sont attirés sur cette côte par l’extraordinaire abondance du poisson qui peuple le courant de Humboldt, apportant dans ces régions chaudes les eaux froides de l’Océan Glacial du sud ; le courant remontant directement vers le nord, baigne toute la côte jusqu’à l’équateur.

L’illustre agronome français Boussingault, qui a parcouru l’Amérique centrale au commencement du siècle, vit ces gisemens de guano, et c’est en réfléchissant à leur composition, qu’il arriva à formuler pour la première fois son opinion sur l’efficacité des engrais azotés. « Sur une grande étendue de la côte du Pérou, le sol, qui est naturellement stérile, est rendu fertile par l’application du guano ; la terre, composée d’un sable quartzeux mêlé d’argile, produit alors des récoltes abondantes. L’engrais qui opère un changement aussi prompt et aussi favorable est formé presque exclusivement de sels ammoniacaux. C’est en présence de ce fait qu’en 1822, époque à laquelle je me trouvais sur les côtes de la mer du Sud, j’adoptai l’opinion que je professe encore aujourd’hui, sur l’utile intervention des sels à base d’ammoniaque dans les phénomènes de la végétation. »

Il y a vingt ans, les guanos provenant des localités où la pluie est rare, ayant conservé tous les sels ammoniacaux solubles qui ailleurs sont facilement entraînés par les eaux pluviales, étaient encore communs ; ils étaient chargés en vrac dans des bateaux qu’on ne pouvait consacrer à un autre usage, tant l’odeur répandue par le guano est forte et repoussante ; un grand nombre de ces bâtimens arrivait à Nantes, où l’engrais était emmagasiné. On achetait à ce moment le guano à un prix assez élevé, sans exiger de garantie de composition ; bientôt cependant les gisemens les plus riches s’épuisèrent, l’efficacité devint moindre, et on ne voulut plus acheter que sur analyse. Or, la composition de ces engrais est loin d’être constante : les manipulations ayant pour but de faire des mélanges uniformes sont difficiles ; le guano, mou et plastique, s’agglutinant aisément, encrasse les appareils ; pour réussir à le triturer, on le traite par l’acide sulfurique, on prépare ainsi le guano dissous ; l’acide décompose le carbonate d’ammoniaque, le transforme en sulfate d’ammoniaque ; en outre le phosphate de chaux est attaqué également, une partie de la chaux forme avec l’acide sulfurique du plâtre qui fait prise et englobe la matière ; elle est alors devenue assez dure pour passer facilement au travers d’appareils broyeurs et acquérir l’homogénéité