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Pour savoir si ces substances sont accidentelles ou nécessaires, nous allons employer encore la méthode qui nous a déjà réussi. Introduisons dans nos liquides nutritifs de l’acide phosphorique ; ajoutons à notre azotate d’ammoniaque, du phosphate d’ammoniaque, et nous obtenons une récolte qui surpasse de beaucoup la précédente, sans atteindre cependant celle qui croît en pleine terre. Ajoutons encore à notre liquide nutritif de la potasse, nouvelle amélioration, et successivement joignons à ces matières tous les élémens des cendres, et peu à peu nous voyons nos rendemens s’améliorer jusqu’à égaler et même surpasser ceux que fournit une terre fertile, mais qui n’aurait pas reçu autant d’alimens végétaux qu’en ont apporté au sable les dissolutions nutritives employées.

À l’aide de cette méthode nous sommes donc parvenu à connaître le mode d’alimentation des plantes ; elles ne vivent qu’autant qu’elles trouvent à portée de leurs racines des matières azotées, de l’acide phosphorique, de la potasse, de la magnésie et de la chaux ; si l’un quelconque de ces élémens fait défaut, les autres deviennent inutiles, l’activité des feuilles s’éteint, elles cessent de décomposer l’acide carbonique aérien, l’élaboration de la matière végétale s’arrête. Les conclusions auxquelles nous sommes arrivé ont été contrôlées au reste, non plus par des essais de laboratoire portant sur quelques graines, mais bien par les cultures établies dans plusieurs domaines et notamment dans celui de Rothamsted, illustré par les recherches poursuivies pendant cinquante ans par sir J. B. Lawes et par sir Henry Gilbert. Ces recherches ont démontré que l’alimentation purement saline convenait aux graminées, notamment au blé, en maintenant indéfiniment sa culture sur le même sol, additionné seulement de nitrates et de sels ammoniacaux et d’un mélange de phosphates, de sels de potasse et de magnésie ; la chaux, la silice et le fer étaient assez abondans dans le sol pour qu’il fût inutile d’en ajouter.

Cette alimentation saline qui convient si bien aux graminées ne suffit plus à d’autres plantes de grande culture, notamment aux légumineuses. Que leur faut-il donc de plus ? De l’humus. On désigne sous ce nom les débris organiques encore mal définis qui proviennent de la transformation par les fermens de la terre des débris des végétations antérieures. J’ai cultivé, il y a quelques années, à l’Ecole de Grignon, dans de grands pots de grès renfermant 50 kilos de terre épuisée par une longue suite de culture sans engrais, le ray-grass des prairies permanentes et le trèfle des prairies artificielles. Les rendemens les plus élevés du ray-grass étaient obtenus à l’aide des engrais salins : nitrate, phosphates, sels de potasse ; celui du trèfle, très ordinaire sous l’influence de