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comme marbre », à ce Villeroy qui, pendant si longtemps, avait été l’homme politique le plus autorisé de la cour de France. Il y avait là de quoi satisfaire et combler ses juvéniles ambitions ; mais il y avait aussi de quoi surprendre tous ceux qui ne le connaissaient pas, de quoi inquiéter ses protecteurs et lui-même sur les conséquences d’une si prompte et si audacieuse ascension.

Le souvenir des services rendus par son père avait préparé à l’évêque ses premières entrées à la cour. Son frère, le marquis de Richelieu, son beau-frère Pont-Courlay, étaient, depuis longtemps, admis dans l’intimité de la reine mère. Le marquis, séduisant, brave et généreux, ne se contentait plus de sa charge de mestre de camp du régiment de Piémont ; il se croyait appelé, lui aussi, à un autre avenir : « se voyant en état de penser à des choses plus grandes », il vendit son emploi à Fontenay-Mareuil, qui nous donne lui-même ce détail.

Dans les relations de sa famille, Richelieu avait trouvé encore d’autres appuis sûrs, des protecteurs influens, notamment Mme de Guercheville, née Antoinette de Pons, sa parente éloignée, femme de haute vertu, dont l’amitié fournissait pour lui caution de bonne race et de bonnes mœurs. Il avait su se créer, de lui-même, des amis et des admirateurs ; on se rappelait ses succès dans la chaire, son discours à l’assemblée des États en 1615, ses vastes études, la bonne administration de son diocèse, ses premiers livres d’édification et de piété. Tout le haut clergé lui était favorable. Du Perron, Sourdis, Chasteignier de la Rocheposay, Gabriel de l’Aubespine, Charles de Bourgueil, Zamet évêque de Langres, chantaient ses louanges. Le Père Joseph restait, au fond, son ami et savait glisser, à l’oreille des grands, le mot qui tournait leur attention vers ce jeune homme si sage et si bien doué ; ses amis l’aidaient, mais l’amitié ne l’embarrassait guère ; il savait, au moment opportun, la déposer comme un fardeau gênant.

Une correspondance active, engagée de bonne heure avec les principaux ministres, donnait la mesure de son zèle un peu inquiet et de sa capacité. Il ne manquait aucune occasion d’étendre ses relations, d’entr’ouvrir les portes, de se montrer à une heure propice, de rendre un petit service habilement placé, et il cultivait, avec des termes empressés, très polis, jusqu’aux relations les plus banales. Les voies détournées ne le rebutaient pas non plus. Le petit-fils de l’avocat Laporte avait trouvé, dans l’héritage, des accointances bourgeoises qu’il ne reniait pas, pourvu qu’elles lui servissent. Mme de Bourges achetait