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groupes à peu près fermés, analogues aux castes ; ou enfin la prédominance de l’une d’elles et la disparition des deux autres. Il y a, sur l’avenir de notre race, des prophètes optimistes et des pessimistes. Écoutez les premiers : ils vous diront que les blancs, parmi lesquels la race européenne forme déjà un tiers de la population du globe, tendent à se propager par toute la terre, aux dépens des hommes de couleur. La race océanienne disparaît à vue d’œil devant la race européenne. Les Indiens d’Amérique vont chaque jour déclinant, même là où le gouvernement anglais et celui des États-Unis les protègent. Dans les îles Sandwich, au temps du grand voyageur Cook, c’est-à-dire vers la fin du siècle dernier, la population était d’environ 30 0000 hommes ; aujourd’hui elle arrive à peine à 40 000. Dès la naissance, le cerveau du blanc se trouve en avant sur celui des autres races : sensibilité plus vive et plus délicate, intelligence toute prête pour la science et pour l’industrie, volonté énergique, capable de se maîtriser, à la fois très individuelle et douée d’instincts largement sociaux. Dans de telles conditions, l’avantage ne peut manquer de rester à la race blanche. Celle-ci accapare bientôt toutes les ressources de la contrée ; les races inférieures se trouvent de plus en plus privées de leurs anciens moyens d’existence. En outre, elles sont décimées par les maladies, par les vices qu’elles reçoivent de la civilisation et qui, souvent, sont leurs seuls emprunts de quelque importance. — Sans doute, répondent les pessimistes, les races inférieures disparaissent devant les blancs ; mais cette loi ne se vérifie que sous les climats tempérés, où les blancs ont tous leurs avantages dans la lutte pour l’existence. Sous le rapport physique, ils se trouvent alors adaptés au milieu extérieur ; sous le rapport moral, ils ont les supériorités dues au caractère et à la civilisation. Mais en est-il de même dans les régions tropicales ? Ici, le tempérament se modifie et, avec lui, le caractère. Deux effets, surtout, sont sensibles : le sang s’appauvrit, les nerfs s’usent. D’où une intelligence moins vive, une volonté moins capable d’effort. De plus, l’acclimatation est souvent impossible. Un voyageur américain voyait récemment à l’œuvre les émigrés allemands qui se sont établis au Brésil. Après une expérience de deux ans, dit-il, vous trouvez le colon allemand assis à l’ombre d’un figuier planté par son prédécesseur portugais. Pour faire son ouvrage, il a loué un nègre. Revenez quelques années après ; d’ordinaire, il ne restera que le nègre : le colon allemand sera mort de la fièvre ou reparti. Le long de l’Amazone, selon un autre voyageur, les familles de race blanche pure commencent généralement à disparaître vers la troisième génération : elles deviennent alors victimes de la scrofule, et le mal est sans remède. Au Guatemala, il