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exemple, les deux articles de M. G.-A. Cosareo sur les Origines des pasquinades.

Nous connaissons tous l’histoire, ou plutôt la légende, de la statue de Pasquin. « Ce Pasquin, rapporte Castelvetro, était un savetier de Rome, si médisant et d’une effronterie si plaisante que, à sa mort, le peuple donna son nom à une statue voisine de son échoppe, et que les courtisans et les poètes prirent l’habitude de coller sur cette statue, en les attribuant à Pasquin lui-même, leurs épigrammes satiriques sur les travers et les vices des puissans du jour. » La véritable histoire des pasquinades, d’après M. Cesareo, a été tout autre. Bien avant les premières années du XVIe siècle, la satire politique anonyme existait en Italie ; et si la statue de Pasquin est devenue, vers 1501, le lieu d’inscription préféré des épigrammes populaires, ce n’est nullement à cause de l’humeur médisante du savetier Pasquin, mais parce que cette statue, placée près du palais Orsini, dans le voisinage des Banchi et de l’église Saint-Laurent-de-Damas, se trouvait ainsi à l’endroit le plus fréquenté de la ville. Il est absolument faux, en outre, que les épigrammes qui y étaient collées fussent attribuées par leurs auteurs au savetier Pasquin : l’habitude de faire parler Pasquin ne s’est répandue que plus tard. Et il est inexact enfin que les pasquinades aient eu jamais un caractère anti-religieux : elles étaient une protestation du peuple et de la bourgeoisie de Rome contre le gouvernement et la politique des papes ; mais pas une seule fois l’autorité spirituelle du Saint-Siège n’y a été attaquée. Pasquin était, si l’on veut, nationaliste, mais jamais il n’a cessé d’être bon catholique.


Le goût de la poésie satirique, d’ailleurs, a toujours été très vif en Italie. A défaut des pasquinades, j’en trouverais la preuve dans les poèmes italiens cités ou analysés par M. Medin, tous datant des premières années de notre siècle, et se rapportant à Napoléon Ier. Encore M. Medin s’est-il borné aux poèmes sur la chute et la mort de l’Empereur. L’énumération qu’il en a faite suffit à remplir deux longs articles de la Nuova Antologia.

Jusqu’à la campagne de Russie, les poètes, en Italie comme en France, n’osaient guère s’attaquer à Napoléon. Innombrables étaient en revanche, en Italie comme en France, les adulateurs, les auteurs de Napoléonides. Tous célébraient les vertus du nouveau César, les uns par intérêt ou par servilité naturelle, tels les Monti et les Petroni, quelques autres sous l’effet d’un enthousiasme sincère. De ce nombre était Ugo Foscolo, qui jusqu’au bout s’est obstiné à voir en Napoléon le représentant et le défenseur des idées républicaines. Mais, en dépit de ces flatteries des poètes, le peuple italien n’aimait pas Napoléon : il avait gardé vivant le souvenir de l’invasion française ; et l’on comprend