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qui se font maintenant dans une période de plusieurs mois, sinon davantage. Car il y aura toujours des indices, et tant que des risques fructueux pourront être courus, la spéculation subsistera. On ne peut la supprimer. Rendre plus courte la période pendant laquelle elle peut opérer, c’est l’exaspérer, c’est la pousser à ses limites extrêmes. Ces limites reculeront d’autant plus que la prime sera plus élevée. Or si les prévisions optimistes se réalisent, c’est-à-dire si le Cadenas produit son plein et entier effet, le relèvement subit des cours sur le marché sera égal à la totalité de l’élévation du droit, tandis qu’avec le système actuel, il est reconnu que la majoration atteint à peine à l’intérieur le tiers du montant de l’augmentation du tarif. Les bénéfices se trouveront donc triplés pour les spéculateurs heureux, et c’est encore une des raisons qui les pousseront à ne point trop s’effrayer et même à apprécier tout particulièrement la mesure dirigée contre eux. Ils auront tôt fait de se jouer de l’inoffensif mannequin planté à la frontière et continueront d’autant plus volontiers leur genre d’opérations que les changemens répétés de droits accroîtront leurs chances de gain.

D’ailleurs, au cas où le Cadenas aurait pour effet de restreindre l’importation immédiate telle qu’elle est pratiquée maintenant, la situation ne serait pas modifiée de beaucoup, car la spéculation, au lieu de se faire en une fois, serait divisée en deux opérations. La première aurait lieu au moment de la publication du décret. La seconde se produirait lors de la discussion de la loi. Car on ne peut admettre que tant qu’une incertitude planera sur le point de savoir si les droits établis par décret seront définitivement adoptés par la Chambre et le Sénat, le cours du marché intérieur ne sera point affecté. Un fléchissement partiel des cours se maintiendra pendant toute la période transitoire et ce fléchissement sera la nouvelle marge de bénéfice dont profitera la seconde fois le spéculateur prévoyant.

D’autre part, ne sera-t-il pas assuré d’obtenir le remboursement du droit au cas où le projet de loi serait rejeté, retiré ou amendé ? Il doublera ainsi le profit de son opération, car, s’il livre à la consommation, avant la décision du Parlement, une partie des marchandises qu’il aura importées, elles lui seront payées au prix majoré des droits, et il touchera de plus le trop-perçu, l’administration des douanes ne connaissant et ne pouvant connaître que lui.

Ce point délicat n’a point échappé à l’attention de M. Dalla Volta, qui le traite dans les termes excellens que voici[1] :

  1. Article déjà cité.