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établis sur le Niger et la Bénoué et les Allemands du Cameroun. Nous avions entouré leurs possessions respectives d’un réseau à peu près complet d’itinéraires ; nous avions même pénétré, avec Mizon, sur la Bénoué, au centre de leurs territoires. La Compagnie du Niger se voyait disputer non seulement le monopole commercial qu’elle entendait s’arroger, mais encore la possession de territoires qu’elle considérait comme son domaine exclusif. Même le voyage du commandant Monteil, qui s’était montré pourtant si respectueux des dispositions de la convention de 1890, n’avait pas été sans éveiller chez elle quelque méfiance. Quant à la colonie du Cameroun, nous l’avions mise, pour emprunter une expression employée par la presse allemande, dans une situation plus défavorable encore. Nous avions contourné, de Yola sur la Bénoué à Ouesso sur la Sangha, tout le territoire du Cameroun. Plus à l’intérieur nous avions tracé une deuxième ligne d’investissement du confluent de l’Oubangui à la Haute-Bénoué. Le Cameroun se trouvait ainsi isolé de l’intérieur africain par deux lignes de postes français établis sur la Sangha et l’Oubangui et par les territoires ouverts à notre influence par Brazza, Mizon et Maistre. Entre la colonie allemande et le bassin du Chari s’interposait désormais comme une grande barrière une vaste région où nous avions tracé des itinéraires, découvert des cours d’eau, établi des postes, fait alliance avec des peuples divers. En vain, pour donner de l’air à la colonie, pour lui ouvrir une issue vers le Tchad, le lieutenant de Stetten, après l’avortement des missions de Zintgraff et de Bainsay, avait-il tenté une exploration nouvelle. Le résultat, bien que des plus fructueux pour les intérêts allemands, avait été au-dessous des espérances de son auteur. Parti le 23 mars 1893 de Balinga, Stetten, après avoir traversé le fertile et populeux pays de Tikar où aucun Européen n’avait encore pénétré, était arrivé à Yola vers la fin de juillet. Là, s’il faut l’en croire, il aurait reçu de l’émir d’Yola l’autorisation, en faveur de l’Allemagne seule, d’établir des stations dans les contrées qu’il avait parcourues jusqu’à la limite sud-est de l’Adamaoua. Mais ses allégations se trouvèrent contestées par Mizon, qui, survenu à Yola six semaines après Stetten, déclara avoir fait signer le. 25 juin au même émir un traité de protectorat et y avoir fait ajouter, le 25 août, une clause par laquelle notre résident seul devait servir d’intermédiaire entre les indigènes et les Européens. Il est vrai d’ajouter aussi que le lieutenant von Uchtritz, qui avait remplacé à Yola Stetten retourné au Cameroun, refusait de reconnaître le traité conclu par Mizon, en alléguant qu’il était contraire à la convention franco-allemande du 24 décembre 1885, ainsi qu’au