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pendant les premières années qui suivirent les traités de 1885 le but à atteindre n’apparut pas très nettement aux esprits ; du moins on serait tenté de le croire, car on fit peu d’efforts dans cette voie. De 1885 à 1890, une mission d’importance un peu sérieuse fut seulement organisée : celle de MM. Fourneau et Crampel. Partis en 1887 de la côte atlantique, Fourneau et Crampel longèrent la frontière nord du Congo français par une route presque parallèle à celle qu’avaient suivie quelque temps auparavant, au nord de cette ligne, Kuun et Tappenbeck. Dans cette direction les deux explorateurs français auraient certainement atteint l’Oubangui et relié la côte à cette grande rivière par une voie directe, s’ils ne s’étaient heurtés aux mêmes obstacles qui avaient obligé Kund et Tappenbeck à battre en retraite. En présence de l’hostilité des indigènes, ils durent, comme ces derniers, reculer devant eux et regagner la côte.

De nouvelles tentatives n’eurent lieu qu’en 1890. Cette année même, un grand événement dans l’histoire du partage politique de l’Afrique avait eu lieu. L’Angleterre et l’Allemagne, ayant résolu de régler une fois pour toutes leurs différends coloniaux, avaient conclu le 2 juillet une convention qui délimitait d’une manière précise les territoires dans lesquels devait s’exercer leur influence respective. Elles s’étaient notamment partagé les États du sultan de Zanzibar, sans avoir au préalable demandé le consentement de la France, qui était indispensable cependant à la validité de cet acte, car, par un traité en date de 1862, le Foreign-Office s’était engagé envers le gouvernement impérial à ne pas porter atteinte à l’indépendance du sultan. La France ayant fait entendre ses protestations, un compromis intervint. Le gouvernement français consentit à reconnaître le nouvel état de choses créé par la convention anglo-allemande du 2 juillet 1890, et en échange l’Angleterre « reconnut, en même temps que notre protectorat sur Madagascar, la sphère de notre influence au midi de nos possessions méditerranéennes jusqu’à une ligne tirée de Saï sur le Niger moyen à Barroua sur le lac Tchad. » De par ce traité, tout l’espace s’étendant du midi de l’Algérie au Niger moyen et à la rive nord du lac Tchad était placé sous notre influence. La frontière méridionale de nos possessions dans le nord de l’Afrique se trouvait reportée sur le lac Tchad. Cette frontière même n’était plus séparée de nos possessions du Congo français que par les pays s’étendant du midi de ce lac à la rive nord du Congo. Dès lors, faire de l’Algérie, du Sénégal et du Congo français un seul tout, constituer ainsi un immense empire africain allant des rives de la Méditerranée au cours du Congo, fut une idée qui devint