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lieu au midi du Sénégal, au fond du golfe de Bénin, dans la baie de Biafra, sur le littoral situé au nord du fleuve Orange. Au midi du Sénégal, l’Allemagne s’était attribué la contrée comprise entre la rive gauche du Rio-Pongo et la rive droite de la Dubreka ; sur la côte de Bénin, elle avait mis la main sur Togo et Porto-Seguro ; au nord du fleuve Orange, et le avait occupé Angra-Pequena. L’occupation d’Angra-Pequena pouvait être indifférente à la France ; mais il n’en était pas de même de l’occupation des autres points de la côte. Si l’Allemagne pouvait faire valoir à l’appui de ses prétentions sur le Bio-Pongo et la Dubreka les traités passés en 1884 par des agens de la maison Kölin, de Stuttgard, avec des chefs indigènes, la France alléguait que ce chef n’avait aucun titre pour aliéner un territoire ne lui appartenant pas, car il était sous la dépendance de chefs plus puissans qui avaient conclu avec elle des traités antérieurs engageant à la fois eux et leurs vassaux. Sur la côte de Bénin, l’Allemagne avait bien pu occuper Porto-Seguro en vertu d’un traité conclu avec le roi de la contrée, mais la France déclarait que ce pays lui appartenait de par une convention antérieure. Il n’était pas jusqu’à certains points du littoral même de la nouvelle colonie du Cameroun sur lesquels la France ne pût faire valoir quelques droits. C’est ainsi que la localité de Malimba, sur le littoral au midi du mont Cameroun, déclarée possession allemande par Nachtigal, pouvait être considérée comme possession française depuis 1869, en vertu de traités passés avec les chefs du pays.

Toutes ces acquisitions avaient été faites avec une telle absence de scrupules, que le gouvernement allemand lui-même ne se sentait pas rassuré sur leur légitimité et ne faisait aucune difficulté d’en convenir. En manifestant au gouvernement français son désir de voir régler d’un commun accord la situation résultant des prises de possession effectuées par les commissaires allemands, le prince de Bismarck écrivait, le 13 septembre 1884, que « si, parmi les acquisitions allemandes, il s’en trouvait qui pussent ne pas s’accorder avec les droits et la politique de la France, son intention n’était pas de les maintenir ». Ce témoignage de bon vouloir et cette loyauté ne laissèrent pas le gouvernement français insensible, et M. Ferry, qui ne voulut pas rester en arrière de courtoisie, fit répondre, par l’intermédiaire de M. de Courcel, que le gouvernement de la République française n’était pas moins désireux que le gouvernement impérial de régler dans un esprit de bonne entente mutuelle « les rapports de voisinage pouvant résulter de la prise de possession, au nom de l’Empire allemand, de plusieurs points de la côte occidentale d’Afrique à proximité des