Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 123.djvu/827

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chirurgien de Nîmes est logé pour 190 francs, un libraire à Bourges pour 118 francs, un boulanger de Château-Thierry pour 57 francs : la « bonne femme » ou sage-femme d’Avallon pour 31 francs et un vinaigrier de Vernon pour 29 francs.

Tandis que la moyenne des loyers de province ne dépasse pas 290 francs au moment de la Révolution, les loyers moyens de Lyon, d’après les prix tirés des différens quartiers de la ville, ressortent, sous Louis XVI, à 1300 francs environ. Des loyers particulièrement élevés étaient ceux de Versailles : sous Louis XV, en 1751, une maison de la rue de la Pompe rapportait 1 330 francs ; une autre, sur la place d’Armes, 2100 francs ; une troisième, rue du Vieux-Versailles, 4 750 francs. Il est fort possible que ces prix qu’il faut doubler pour avoir leur valeur actuelle, et qu’expliquait au XVIIIe siècle le séjour de la Cour, ne soient pas beaucoup dépassés, ni peut-être même tous atteints de nos jours, par les mêmes habitations. C’étaient d’ailleurs de vastes demeures, puisqu’un hôtel de deux étages, dans l’avenue de Saint-Cloud, vis-à-vis la rue Duplessis, affermé 2 400 francs, comprenait des écuries pour 40 chevaux. Les chiffres grossirent jusqu’à la Révolution : en 1788, pour une « grande et belle maison » du futur chef-lieu de Seine-et-Oise on demandait 5 400 francs de loyer.

A Rouen, au contraire, les loyers allaient de 90 à 342 francs ; près Saint-Maclou, un hôtel avec jardin planté d’espaliers, escalier à rampe de fer, écurie pour quatre chevaux, rapportait315 francs seulement en 1763. Une grande construction servant de caserne à la brigade de maréchaussée d’Evreux se louait alors 234 francs. Ces chiffres augmentèrent, il est vrai, dans les dernières années de l’ancien régime, où de simples appartenons se louèrent autant et davantage que ne faisaient, trente ans plus tôt, des maisons entières.

Bien que les logemens en effet fussent assez petits encore et les loyers surtout assez bas, dans la plupart des villes, pour que la majorité des habitans pût jouir, comme propriétaires ou comme locataires, de la totalité d’une maison, — ce qui du reste est aujourd’hui le cas dans les localités de second et troisième ordre, — la plèbe des commerçans besogneux, des artisans brevetés à qui leur illusoire privilège ne procurait pas de quoi vivre, bien que les défenseurs des corporations se soient de nos jours assez légèrement figuré le contraire, devaient se contenter d’une tranche de maison, d’une boutique où ils exerçaient leur industrie, et au-dessus de laquelle était le galetas — le tristet, disait-on dans le Midi — qui leur servait de chambre à coucher. A Tulle, la boutique d’un libraire se loue 39 francs, celle d’un maréchal 19 francs, celle d’un