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et même par l’emportement, dirai-je, que M. Chamberlain met parfois à vouloir nous convaincre, mais cela même est plutôt un avantage par le relief que se trouve y gagner le raisonnement.


V

Pour tâcher de donner une idée un peu nette de la littérature wagnérienne allemande, si prolifique depuis vingt ans, j’ai dû me restreindre aux quelques écrivains qui m’ont paru le mieux caractériser chacune des différentes catégories sous lesquelles on pouvait examiner la question. Peut-être devrais-je m’abstenir d’y rien ajouter, d’autant plus que je ne me dissimule pas la part d’arbitraire qu’il peut y avoir à faire choix encore de quelques autres noms. Comment ne pas dire cependant que les wagnériens allemands réclament comme étant au premier rang des leurs, et comme tout pénétrés dans leurs œuvres des idées wagnériennes, M. Ludwig Schemann, par exemple, professeur de droite Cassel, à qui l’on doit une savante édition des lettres de Schopenhauer ; ainsi que M. Henry Thode, — qui professe l’histoire de la peinture à l’Université de Heidelberg, — pour ses études d’art sur saint François d’Assise et les origines de l’art de la Renaissance en Italie, sur l’école de Nuremberg et Albrecht Dürer, en qui, fidèle à l’esprit wagnérien, il cherche avant tout à retrouver l’homme, et l’âme de l’homme, pour nous faire comprendre le peintre ? Il faudrait encore nommer M. Fréd. de Hausegger, professeur d’histoire musicale à l’Université de Graz, qui, outre un certain nombre d’études strictement wagnériennes, a publié deux importans ouvrages qui mériteraient d’être longuement étudiés, et que je veux du moins avoir signalés ici : La Musique comme expression (Die Musik als Ausdruck), et L’Au-delà de l’Artiste (Das Ienseits des Künstlers). Je donne les titres allemands pour mieux préciser, car on voit qu’il n’est guère facile de les traduire brièvement en français. C’est une sorte d’examen général, très approfondi et très développé, de « l’expression dans l’art ». Le premier volume étudie pour ainsi dire uniquement le côté physiologique de la question, tandis que le second a surtout en vue le côté psychologique, et constitue une psychologie de l’artiste, qui est parmi les plus riches d’aperçus que je sache.

Parmi les jeunes savans qui ont mis leur activité au service du wagnérisme, je nommerai M. Ernest Meinck qui vient de publier tout un fort volume, épuisant à peu près la question, sur « les fondemens scientifiques des légendes dans le poème des Niebelungs de Richard Wagner » ; et aussi M. Wolfgang Golther