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la collation et la gagnait par mille petits soins. Puis, il avait quitté la magistrature, s’était jeté dans les affaires des partisans, avait manié l’argent et les hommes, s’était approché peu à peu des grands, enfin s’était introduit, par son ancienne amie, dans la faveur de Marie de Médicis. On le trouve, vers 1611, intendant des finances de la reine mère. Il devait l’aider, elle et son entourage, dans les placemens d’argent et dans ces espèces de spéculations dont les Italiens, gens âpres et imaginatifs, ont toujours eu le goût. Une fois dans la place, il avait pris, par les qualités de son esprit et de son caractère, un grand empire sur les deux femmes. Il n’y a qu’un avis sur lui. Amis et adversaires le reconnaissent pour un homme énergique, intelligent et probe. Au milieu de toutes les tentations de la vie de cour et parmi les chemins tortueux qu’il avait dû suivre, il avait conservé de la droiture dans l’esprit et dans le cœur ; comme on disait en ce temps-là, il avait « les mains nettes ». Brienne dit : « Quoique d’une naissance très basse, il avait l’esprit fort relevé. » Armand d’Andilly dit : « Il n’avoit point d’acquis, mais c’étoit un homme de très grand sens et très judicieux qui avoit les mains très nettes et qui ne se prévenoit point, ce qui estime qualité si rare que je l’ai remarquée en peu de personnes. » Richelieu dit à son tour : « Barbin, homme de bon sens, mains nettes et courageux. » Ce sont là des éloges ! Barbin les méritait ; nous le verrons à ses actes. Il fut, pendant quelque temps, un des hommes les plus considérables du royaume : « Son logis était ordinairement plein de financiers, partisans, solliciteurs de pensions et de gens qui avaient besoin d’intervention près des puissances souveraines. Il n’exerçait pas seulement la charge de surintendant des finances sous le nom de contrôleur général, il était plus puissant que nul autre dans les affaires. »

Cette autorité, il pouvait bien avoir eu le dessein de l’employer à la réalisation d’une conception politique mûrement délibérée. Il était l’âme de la petite cour qui s’était servie du canal des Concini pour s’emparer de l’esprit de la reine mère ; une fois maître de la place il voulait, en inspirant confiance, restaurer l’idée gouvernementale, réagir contre la politique de déférence et d’abandon, mater les princes et les rebelles, au besoin par la force, assurer au pouvoir un lendemain. Il se trompait dans ses calculs, puisque ni la reine ni Concini ne lui offrirent des appuis assez résistans et qu’il n’avait pas vu qu’au moment où on développait l’autorité monarchique, il fallait, avant tout, tenir compte de la volonté du monarque. Mais l’attitude qu’il prit et les indications qu’il laissa eurent du moins pour résultat de préparer aux mêmes idées et de former pour des entreprises analogues un homme