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impression. On peut douter, heureusement, que cet essai d’introduction, en France, de certaines pratiques déplorables de la peinture italienne contemporaine ait aucune chance de succès. Il serait fâcheux d’y voir se perdre un artiste dont les débuts ont été salués avec sympathie et qui montre, dans cette toile même, des qualités réelles de dessinateur et de peintre.

Beaucoup de personnes qu’exaspère la lumière papillotante jetée par M. Gervais autour de ses déesses nues, sur ses terrasses de marbre, ne se montrent guère moins surprises et blessées par la lumière brillante dont M. Rochegrosse inonde son Chevalier aux fleurs, bardé de fer, dans une campagne sans ombre. Entre les deux éclairages pourtant la différence est grande et si, chez les deux, la vivacité des colorations est poussée à l’extrême, on reconnaîtra, pour peu qu’on y regarde, chez M. Gervais l’exagération d’un effet artificiel et chez M. Rochegrosse l’exagération d’un effet naturel. Le Chevalier aux fleurs, dès l’ouverture du Salon, a été fort applaudi et fort discuté. Nous n’hésitons pas à l’applaudir. Ce n’est pas seulement, dans l’évolution du talent de M. Rochegrosse, qui nous a déjà procuré bien des surprises, une étape nouvelle et curieuse, c’est peut-être, pour beaucoup d’hésitans et d’incertains, un appel décisif vers des pays nouveaux. M. Rochegrosse, plus curieux et plus lettré que ne le sont beaucoup de ses camarades, a compris, dès ses débuts, que la peinture contemporaine, le plus souvent destinée à des curieux et des lettrés, avait bien le droit de s’inspirer de toutes les découvertes contemporaines, si propres à exciter l’imagination, faites par l’érudition archéologique, historique, poétique.

MM. Gustave Moreau, Jean-Paul Laurens, Luc Olivier-Merson, avaient déjà indiqué, par des œuvres qu’on n’oublie pas, combien il reste à moissonner de ce côté ! Il est permis de croire, — et nous en voyons, de tous côtés, les symptômes, — qu’ils seront suivis, dans cette voie, par toute une génération de chercheurs un peu inquiets, mais enthousiastes, qui trouveront, peut-être, dans un rattachement sincère aux traditions de notre moyen âge, un renouvellement de leurs inspirations dans un sens bien national et bien français. On n’a qu’à se rappeler le concours récemment ouvert pour les vitraux de la cathédrale d’Orléans où devaient être représentés les gestes de Jeanne d’Arc. Malgré l’inexpérience décorative de la plupart des concurrens, on fut frappé de l’ampleur et de la gravité parfois inattendues que les difficultés mêmes et la noblesse du sujet avaient données à leurs talens. Ce commerce obligatoire, durant quelques mois, avec nos vieux maîtres, miniaturistes, sculpteurs, verriers, du XVe siècle, avait développé chez plusieurs d’entre