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Le plafond de M. Debat-Ponsan ferait aussi bon effet à Tours qu’à Toulouse ; celui de M. de Quinsac pourrait porter le nom de Vesale, de Christophe Colomb, de Véronèse, avec quelques imperceptibles modifications. et voilà le véritable mal ! Ce qui est presque bon partout n’est excellent nulle part, et c’est cette banalité inconsciente qui gâte les meilleurs ouvrages décoratifs de notre temps. Cela chagrine d’autant plus que les deux toiles de M. Debat-Ponsan et de M. de Quinsac ne sont pas sans mérite, tant s’en faut, et que ces deux peintres s’y montrent même, tant pour l’arrangement que pour l’exécution, en sérieux progrès.

M. Comerre a-t-il essayé de mieux caractériser, dans son panneau pour la Préfecture du Rhône, les figures du Rhône et de la Saône ? Il y a quelques années, M. Puvis de Chavannes, traitant le même thème pour le Musée de Lyon, l’avait rajeuni avec la grâce d’imagination et le charme poétique qu’il apporte en ses rêveries harmonieuses. L’arrangement de M. Comerre reste plus commun. Le Rhône, c’est toujours le bon vieux fleuve, chevelu et barbu, appuyé sur son urne penchante ; le peintre, il est vrai, a fortement marqué sa vigueur musculaire : c’est un dieu viril et résistant, il pourra emporter aisément, dans son cours majestueux, la jolie Saône, dont le corps souple et blanc flotte à la dérive sur des eaux pâles. Toutefois l’ensemble, d’une facture mince et terne, est sans effet et sans chaleur. Les figures sont, pourtant, bien exécutées ; celle de la Saône, notamment, est un morceau académique d’une correction savante et délicate.

Tout cela, à vrai dire, est assez pauvre au point de vue imaginatif et ne suppose pas grands efforts de recherche, de sensibilité, d’invention. Puisqu’il est avéré qu’on ne saurait se passer, dans l’art décoratif, ni des figures allégoriques, ni des traditions mythologiques, ni des nudités, il faudrait au moins tenter d’introduire, dans tous ces élémens vieillis, quelque attrait nouveau par la vivacité de la sensation et la particularité de l’observation. Trouverons-nous cet attrait dans les quinze ou vingt bonnes études plastiques, qu’on peut remarquer aux Champs-Elysées ? Est-ce la Perle et l’Innocence, de M. Bouguereau, toutes deux dessinées avec cette sûreté aimable qui est devenue proverbiale ; est-ce l’Esclave, par M. Maillart, l’Innocence, par M. Perrault, la Nymphe chasseresse, par M. Wencker, la Venus Genitrix, par M. Danger, l’Indolence et les Trois Grâces, par M. Emmanuel Benner, la Phrosine et Mélidore, par M. Jean Benner, la Léda, par M. Moreau-Néret, l’Aube du Poète, par M. Henry Perrault, la Femme nue, par M. Franc Lamy, l’Idylle, par M. Henri Royer, le Sauvetage, par M. Munier, le Berger et la Mer, par M. Lebayle qui