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l’observatoire Lick, en Californie, recevait un réfracteur de trente-six pouces (quatre-vingt-dix-sept centimètres), établi par les Clark de Cambridge, avec des verres fournis par les Feil de Paris, et récemment, à l’exposition de Chicago, on en voyait un plus puissant encore, qui a quarante pouces, ou cent huit centimètres d’ouverture.

Dans son ensemble, l’appareil atteint le poids respectable de soixante-quinze tonnes. La colonne d’appui, en fonte de fer, pèse cinquante tonnes et s’élève à treize mètres. Tous les organes métalliques essentiels sont en acier. L’axe polaire et l’axe de déclinaison, dont les longueurs mesurent quatre mètres et trois mètres et demi, ont des diamètres respectifs de trente-huit et trente centimètres. Le tube, long de dix-neuf mètres et demi, s’effile vers les deux extrémités ; son diamètre intérieur égale cent trente centimètres dans le milieu. L’horloge motrice, logée en haut de la colonne, est mise en marche automatiquement par un moteur électrique et réglée par un double pendule conique. Elle entraîne la roue motrice principale (deux mètres quarante de diamètre) qui, une fois reliée à l’axe polaire, le fait tourner avec le tube et les divers accessoires, soit un poids total de vingt tonnes, pendant le temps sidéral exact. Les mouvemens quelconques, rapides ou lents, les déplacemens en déclinaison et en ascension droite, sont effectués à la main, ou par des moteurs électriques que contrôle un système d’aiguilles, aisément visibles pour l’observateur. De son côté, l’aide-astronome peut surveiller les moindres détails des opérations depuis le balcon supérieur, auquel on accède, ainsi qu’à l’horloge, par un escalier en spirale. Cette lunette, aujourd’hui sans rivale pour la grandeur, est un don de M. Yerkes à l’université de Chicago. Les Américains conservent jusqu’ici l’avantage des instrumens, qu’ils ont appris à fabriquer eux-mêmes dans les meilleures conditions.

Il est vrai que la science aux États-Unis possède certaine supériorité incontestable, qui facilite singulièrement les autres : elle est riche d’argent, et dispose de ressources presque inépuisables, alimentées par la munificence des particuliers. L’observatoire Lick, ainsi appelé du nom de son fondateur, doit l’existence à l’une de ces libéralités privées, libéralités vraiment princières, dont la démocratie américaine a contracté depuis longtemps l’heureuse habitude. Ce Mécène de l’astronomie était un ancien marchand de pianos, que la spéculation sur les terrains avait enrichi. Il affecta par testament la somme de sept cent mille dollars (trois millions et demi de francs) à la construction d’un observatoire, sous condition d’y placer « le plus grand télescope