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lacustre, complétaient naturellement cette histoire des transports, et, là aussi, les vieux débris du passé occupaient une place d’honneur. On n’avait pas oublié l’antique bateau normand, dont les courses hardies touchèrent aux rives américaines longtemps avant Christophe Colomb. Quant aux glorieuses caravelles, amenées tout exprès d’Espagne, elles semblaient être venues sur les bords du lac Michigan, en plein continent américain, pour y découvrir une nouvelle Amérique, sillonnée de chemins de fer, étincelante de lumière électrique, poussant jusqu’aux dernières limites les raffinemens du confortable, et « transformant » à la mécanique deux millions de porcs par année dans les seuls établissemens de M. Armour à Chicago.

En fait de transportation, signalons au passage une branche de cette industrie totalement négligée par notre Europe routinière, le déménagement des maisons. Comme le sage, l’Américain aime à emporter tout avec lui, voire même sa demeure. Sans doute l’opération est plus compliquée que de rouler le tonneau de Diogène ; mais au moins a-t-on l’avantage de ménager ses meubles et ses bibelots. Il n’est pas rare aux États-Unis de rencontrer des maisons qui se promènent, portées sur d’énormes trucs. L’une d’elles, haute de trois étages et construite en briques, resta plusieurs jours, l’hiver dernier, près de l’église des Canadiens à Chicago, échouée dans les neiges au beau milieu de la rue. Personne ne s’en plaignait ; je n’ai pas entendu dire qu’elle ait été conduite au poste de police pour cause de vagabondage. Légalement, ces maisons ambulantes doivent-elles être classées dans la catégorie des immeubles ? Ne pourrait-il pas s’élever à ce sujet, en matière de testamens ou d’impôts, certaines difficultés de casuistique judiciaire ? Je soumets humblement la question aux légistes du nouveau monde, dont l’habileté est proverbiale.


III

Les explorations hardies des Américains dans le domaine de l’électricité, les efforts heureux qu’ils consacrent aux perfectionnemens de l’industrie mécanique, ne les empêchent nullement de rester fidèles à leur goût traditionnel pour l’astronomie. De toutes les sciences, c’est la plus abstruse peut-être et la plus populaire à la fois, celle dont la théorie exige les plus profonds calculs, et dont les phénomènes frappent le plus vivement l’imagination des peuples jeunes, attirés par le mystère de l’infini céleste. Aussi les observatoires publics et privés sont-ils très nombreux et très florissans aux États-Unis.