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cinq cents volts, l’expérience ayant montré que l’isolement devient très difficile à maintenir pour des courans continus d’un voltage supérieur. Avec les courans alternatifs, au contraire, plusieurs milliers de volts ne sont pas un obstacle à l’isolement ; et comme la puissance électrique, ou le nombre de watts disponibles, a pour mesure le produit du nombre des ampères par le nombre des volts, il en résulte que les courans alternatifs conviennent admirablement au transport de l’énergie ; car, le voltage pouvant être décuplé, on aura la faculté de réduire au dixième le nombre des ampères et par conséquent au centième le poids du fil de transmission, tout en transmettant le même nombre de volts.

Les courans alternatifs s’emploient avec succès à l’éclairage ; mais, pour faire marcher des moteurs, on ne sait pas encore les utiliser d’une façon satisfaisante. Aussi l’attention des électriciens était-elle vivement sollicitée par un groupement particulier de courans alternatifs qui donnent des champs tournans et se prêtent fort bien en conséquence à l’actionnement des moteurs. Ce mode de groupement peut d’ailleurs être appliqué à un nombre quelconque de courans (courans biphasés, triphasés, etc.). M. Tesla avait fait construire par la compagnie Westinghouse douze énormes machines, de mille chevaux chacune, engendrant des courans biphasés, dont on verra bientôt l’application sur une vaste échelle aux chutes du Niagara. Les machines de l’exposition produisaient directement, à deux mille volts, les courans qui servaient à l’éclairage général (chaque machine pouvait alimenter quinze mille lampes de seize bougies) et à la mise en marche de divers appareils dans le palais de l’électricité. On conservera le même voltage au Niagara, mais la puissance sera cinq fois plus grande.

En fait de traction électrique, les Américains n’ont pas adopté l’usage des accumulateurs ; à peine y recourent-ils par exception. Leur méthode habituelle peut se résumer ainsi. Un moteur, de vingt à soixante chevaux, porté par la voiture, reçoit le courant issu d’une station centrale et transmis par un fil aérien, ordinairement à cinq cents volts ; la communication s’établit au moyen d’une sorte de perche flexible, dressée sur la voiture même, et venant appuyer par son extrémité supérieure contre le fil de transmission pour y emprunter le courant. Les tramways électriques ont pris aux États-Unis une importance considérable : quinze mille voitures y circulent sur près de dix mille kilomètres ; la vitesse, qui atteint trente-cinq kilomètres à l’heure, en rase campagne, est de vingt kilomètres dans les villes, arrêts compris.

Deux systèmes de locomotion par l’électricité fonctionnaient à l’exposition de Chicago : le chemin de fer intramural et le