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L’EXPOSITION DE CHICAGO
ET LA SCIENCE AMÉRICAINE

Les expositions universelles, bien comprises et suffisamment espacées, auxquelles participeraient toutes les nations, sans arrière-pensées ni réserves, par un sentiment d’émulation féconde, seraient comme les inventaires généraux des richesses, des idées et des travaux du monde civilisé, harmonieusement groupés dans un vaste ensemble. Chaque inventaire nouveau permettrait de mesurer les progrès accomplis et d’évaluer les ressources qui auraient grossi le patrimoine commun de l’humanité. Quelle indication précieuse pour l’économiste, le savant et le philosophe ! Par malheur, les grandes expositions internationales sont beaucoup trop rapprochées ; tout pays veut avoir la sienne, à son heure, sans se préoccuper du voisin. Comment un intervalle de quelques années suffirait-il à préparer une récolte appréciable de découvertes ou d’inventions vraiment neuves et originales ? Puis, parmi les peuples conviés, il s’en trouve toujours qui faussent compagnie ou se dérobent à moitié. La plupart se rendent à l’invitation sans enthousiasme, par courtoisie pure, comme on subit une corvée officielle et coûteuse, que l’on n’ose pas décliner. D’ailleurs, à vrai dire, leur concours semble surtout réclamé au point de vue décoratif ; ce sont des hôtes de marque, dont la présence doit rehausser l’éclat de la maison.

Ces inconvéniens et ces lacunes, l’exposition de Chicago, installée au bout du monde, pouvait les éviter moins qu’une autre, pour des raisons que chacun comprend. Ajoutons que la douane, assez tracassière en tous lieux, se surpasse aux États-Unis. D’une