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Pendant que ces grands coups se donnaient sur le devant de la scène, la commission du budget entamait sa laborieuse besogne. Elle s’est trouvée aussitôt en présence de tous les projets dont on a tant parlé depuis quelques jours, et qui se rattachent à divers systèmes d’impôt sur le revenu. Elle a pensé que le mieux, de sa part, était d’en déblayer le terrain, avant d’aborder directement le budget de M. Burdeau. L’impôt général sur le revenu n’a trouvé aucune faveur devant elle. Le principe en a été repoussé ; mais, suivant l’ordre de discussion constant en pareille matière, on est passé de l’impôt sur le revenu à l’impôt sur les revenus, et on s’est demandé si quelques-uns de ceux-ci n’échappaient pas à toute taxe. Une sous-commission, présidée par M. Cavaignac, a été chargée de poursuivre ces recherches, elle s’en est acquittée plus rapidement qu’on ne l’avait espéré. Ce qui a sans doute facilité et accéléré son travail, c’est qu’elle avait ses idées à peu près arrêtées d’avance. Elle a distribué les revenus en un certain nombre de catégories, et elle a constaté tout de suite qu’ils étaient tous imposés, les uns directement et les autres indirectement. On peut remanier certaines de ces taxes ; on peut même en changer les noms, ce qui suffit à donner à quelques personnes une satisfaction innocente ; mais il est difficile de faire beaucoup plus. M. Poincaré a rendu compte à la commission des résultats auxquels la sous-commission était arrivée. Il ne s’est pas servi de termes aussi formels que les nôtres ; il a même dit que, d’accord avec le gouvernement, en dehors duquel on ne ferait rien d’utile, on pouvait ordonner l’étude immédiate de la péréquation de l’impôt foncier ; il a ajouté que le gouvernement consentait à rechercher en outre s’ilne serait pas possible d’étendre aux fonds publics étrangers la taxe de 4 pour 100 sur les valeurs mobilières : on obtiendrait ainsi, et au delà, les 14 millions que le projet de budget demande à l’impôt sur les domestiques. Mais la péréquation de l’impôt foncier est une œuvre de très longue haleine, et une loi fiscale sur les fonds publics étrangers soulève des objections et des difficultés qui ne laissent pas d’être graves.

C’est là pourtant, ou à peu près, tout ce que la sous-commission a trouvé. Elle n’a pas eu beaucoup de peine à dresser ses catégories : elle a pris tout simplement les cédules de l’income-tax anglais. Elle aurait pu tout aussi bien prendre l’énumération non moins complète des édits royaux qui, sous l’ancien régime, ont établi l’impôt du dixième, qui était déjà un impôt général sur le revenu, car il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Elle a reconnu que les revenus de la terre tombaient sous le coup de l’impôt foncier ; que les valeurs mobilières étaient frappées d’un impôt susceptible, peut-être, d’être étendu aux valeurs étrangères ; qu’imposer la rente serait un non-sens, parce que toutes les fois qu’il y a un créancier et un débiteur, si on impose le créancier, c’est le débiteur qui paie, et qu’ici c’est l’État lui-même