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Tandis que, d’un seul bond, hors de l’antique abîme,
Comme un bloc lumineux et suspendu dans l’air,
La montagne immobile élargit sur la mer
Le reflet colossal de sa masse sublime.


Ô paix inexprimable ! ô nuit ! sommeil divin !
Mondes qui palpitiez sur les houles dorées!
Celui qui savoura vos ivresses sacrées
S’y replonge à jamais en ses rêves sans fin.




L’ENLÈVEMENT, D’EUROPÉIA


 
La montagne était bleue et la mer était rose.
Du limpide horizon, dans l’air tout embaumé,
L’Aurore, fleur céleste et récemment éclose,
Semblait s’épanouir sur le monde charmé.


Non moins roses que l’aube, au bord des vastes ondes,
Les trois Vierges, avec des rires ingénus.
Laissant sur leur épaule errer leurs boucles blondes.
Se jouaient dans l’écume où brillaient leurs pieds nus.


Le sein libre à demi du lin qui le protège,
Une lumière au cœur et l’innocence aux yeux.
Et la robe nouée à leurs genoux de neige.
Elles allaient, sans peur des hommes ni des Dieux.


Voici qu’un grand Taureau parut le long des côtes,
Grave et majestueux, ayant de larges flancs.
Une étoile enflammée entre ses cornes hautes
Et des éclats de pourpre épars sur ses poils blancs.