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dans les bateaux surpris à Peteghem, traversèrent l’inondation, et portèrent la joie parmi les défenseurs d’Audenarde en leur apprenant qu’ils étaient secourus.

Dans la nuit du 20 au 21, le siège fut levé. L’artillerie de l’assiégeant fut dirigée sur Gand. Les Impériaux, campés dans les lignes de la rive droite, traversent l’Escaut en aval d’Audenarde pour soutenir les Hollandais et les Espagnols, établis sur la rive gauche et menacés par les Français. Le 21 au matin, les alliés simulèrent un retour offensif vers Peteghem pour attirer l’attention de M. le Prince; ayant ainsi gagné un peu de temps, ils profitèrent d’un grand brouillard pour hâter leur mouvement. Ils s’arrêtèrent à une lieue et demie de la place, derrière le ruisseau qui se jette dans l’Escaut à Aspern. M. le Prince les suivit, se mit en bataille et les canonna toute la soirée. Les alliés n’acceptèrent pas le combat. Le 22, assez piteusement, ils continuèrent leur retraite sur Gand; la pluie tombait à torrens et détrempait tous les chemins. M. le Prince n’alla pas plus loin. Il avait atteint son but et fait avorter l’entreprise de l’ennemi, rejeté loin de la France.

Les alliés firent encore mine de vouloir entreprendre et se rapprochèrent un moment de la Dender ; Condé ne leur permit de rien tenter. Nous le trouvons le 2 octobre aux environs de Lessine, tranquillement occupé à pourvoir les places avancées, à les garnir de fourrages et de vivres. Docile à une consigne rigoureuse, il fait aussi détruire ou incendier tout ce qui peut servir à l’ennemi. Les alliés se séparent; le prince d’Orange va rejoindre M. de Rabenhaupt au siège de Grave. Les Espagnols retournent dans leurs garnisons, et les Impériaux marchent vers la Meuse. Le 12 octobre, M. le Prince rentre à Tournay. Il avait été repris par la goutte et fut plusieurs jours sans pouvoir écrire. Le Roi l’avait autorisé à « s’en retourner dès qu’il le jugeroit à propos » ; mais, plus que jamais attaché à la discipline, Condé se rappelait aussi à quelles insinuations il avait été jadis exposé pour avoir profité d’une autorisation officieuse[1]. Quoiqu’il eût « un extrême besoin de faire des remèdes »[2], il demanda qu’on lui fît « savoir précisément l’intention du Roy pour mon retour; car si Sa Majesté laissoit cela à mon choix, je courrois risque de demeurer bien longtemps icy sans nécessité, n’y ayant guère d’apparence de quitter une armée que l’on commande sans un congé exprès du Roy »[3]. La réponse ne se fît pas attendre: « Je désire

  1. 1643, Secours d’Allemagne, t. IV, pp. 227-228.
  2. M. le Duc à Gourville, 16 octobre 1674. A. C.
  3. M. le Prince à Le Tellier ; Tournay, 19 octobre 1674. A. C. (minute).