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s’avança le long de l’Ouellé. La voie fluviale, c’est-à-dire la montée de l’Ouellé dans les pirogues indigènes, paraît avoir été employée conjointement à la voie de terre, dans certaines sections. A mesure qu’on avançait, des stations étaient construites. L’épisode principal de la marche semble être l’engagement, ou les engagemens, qu’eut le capitaine Ponthier avec des pillards arabes. Tout le pays, situé entre le Congo et les lacs Albert, Albert-Edouard et Tanganyika, est parcouru par des bandes de maraudeurs. C’est à eux que Stanley eut affaire en septembre et octobre 1887, sur l’Itouri. Ponthier rencontra une de ces bandes, la battit et l’obligea à s’enfuir en abandonnant une centaine de pointes d’ivoire. Après avoir franchi le 30e de longitude est (Greenwich), frontière conventionnelle de l’État indépendant, l’expédition atteignit le Nil à Ouadelaï. Mais son chef n’eut pas la gloire du succès; van Kerckhoven était mort en route, probablement par la maladresse de son ordonnance qui, en déchargeant son fusil, lui envoya une balle dans le dos.

Quelle a été la conduite des Belges depuis lors? Sont-ils descendus jusqu’à Lado? Ont-ils déjà, comme l’avançait un journal anglais, organisé le pays? Tout cela reste indécis. Mais, d’après un usage généralement adopté dans le partage de l’Afrique, certains droits sont reconnus au premier occupant d’un territoire vacant. Les Belges auront donc, dans le règlement complet de la succession de l’Egypte dans la province équatoriale, des titres à faire valoir.

Tels ont été les progrès des Belges sur le Congo et sur sa rive droite. Entre eux et la France, les causes de désaccord n’ont pas manqué : mésintelligence entre Stanley et de Brazza, question de la frontière de l’Oubangui, actuellement question du Mbomou...; d’autres différends sont malheureusement à prévoir. Mais, si fermement décidé qu’on soit à défendre ce qu’on croit être le bon droit, on ne peut s’empêcher d’admirer le courage moral et physique, l’énergie, la persévérance, qu’il a fallu pour acquérir en quinze ans des résultats auxquels il ne manque que le recul de quelques siècles pour être estimés à leur valeur.


III. — LES PROGRÈS DES ANGLAIS DE L’OCÉAN INDIEN VERS LE HAUT-NIL

La nouvelle de l’arrivée de l’expédition belge sur le Nil causa à Londres une vive émotion. Les partisans de l’extension continue des colonies anglaises considéraient déjà la province équatoriale comme un des futurs domaines de l’empire britannique. Le jour n’était pas éloigné, pensaient-ils, où des clergymen très dignes y prêcheraient