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africaine fusionnèrent pour former l’Association internationale du Congo. Ce fut devant cette nouvelle société que Stanley, revenu en Europe en juillet 1882, rendit compte de sa mission. Il est investi de nouveaux pouvoirs. Il repart, regagne Léopoldville et, tout en le jalonnant de nouvelles stations, remonte le Congo, jusqu’aux chutes (Stanley-Falls), qui limitent le cours supérieur du fleuve. Il conclut des traités avec les chefs indigènes. En 1884, l’Association internationale du Congo dominait le cours du Congo, de son embouchure aux Stanley-Falls. Il lui manquait cependant une sanction : elle n’était encore qu’une association privée. Il fallait que la souveraineté acquise sur tous ces territoires fût reconnue par l’ensemble des puissances. On engagea des négociations qui furent longues et délicates. Elles aboutirent en février 1883 : l’État indépendant du Congo était fondé.

Cet État indépendant du Congo de 1885 différait déjà profondément de l’Association internationale africaine de 1876; de 1885 à 1894, il a continué à s’éloigner de son principe. Convier, par toute l’Europe, philanthropes et savans à s’unir sans distinction de nationalité pour explorer l’Afrique et abolir la traite des esclaves, tel était le dessein des fondateurs de l’Association internationale. Ce projet était généreux. Mais les circonstances se sont opposées à la réalisation d’un si beau rêve. Dans cette entreprise commune, une nation a rapidement prévalu sur les autres. L’État indépendant du Congo n’est pas un État européen, c’est un État belge.

Cependant les Belges n’ont pas exclu systématiquement leurs collaborateurs. Ce sont les collaborateurs qui se sont récusés et leur ont laissé, par leur retraite, la gloire de la tâche, comme son bénéfice. De 1876 à 1894, les nations européennes se sont jetées sur l’Afrique. Les domaines coloniaux déjà existans ont été agrandis, de nouveaux ont été fondés. Les Anglais se sont avancés : dans le sud, du fleuve Orange jusqu’à la pointe méridionale du lac Tanganyika ; dans l’est, de la côte de l’océan Indien à l’Ouganda. On sait avec quel acharnement (le lieutenant Mizon dirait à bon droit avec quelle férocité) ils défendent leurs comptoirs commerciaux du delta du Niger; et leur position en Égypte, quoique équivoque et pleine de bizarreries, n’en est pas moins momentanément prépondérante. Les Français protègent la Tunisie et l’île de Madagascar, ils se sont avancés dans le Soudan occidental de Médine à Tombouctou et possèdent un beau morceau de terre équatoriale entre la côte de l’océan Atlantique et la rive droite de l’Oubangui. M. de Bismarck avait dit en 1871 : « Je ne veux pas de colonies. Pour nous autres Allemands, des possessions