Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 123.djvu/326

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
I. — DE LA POSSIBILITE DE L’OCCUPATION ACTUELLE DE LA PROVINCE ÉQUATORIALE

Si l’Équatoria est en effet habitée par des populations unies et bien armées, résolues à défendre avec acharnement leur indépendance, s’il faut la conquérir comme les Français ont conquis l’Algérie, sa possession devient singulièrement moins enviable. Dans l’état présent des communications, des expéditions militaires répétées seraient tellement coûteuses que la valeur du pays en compenserait difficilement les frais. Il importe donc de se demander s’il est possible d’abord de pénétrer dans l’Equatoria, ensuite de s’y maintenir.

A la première question, le succès même des Belges répond d’une manière décisive. Le mystère qui a entouré leur entreprise empêche de savoir s’ils ont livré des combats sur les bords du Haut-Nil, ou bien s’ils y ont pris position sans coup férir. Mais leur arrivée à Ouadelaï suffit à prouver que les obstacles ne sont pas insurmontables.

Les ouvrages publiés sur l’état politique de l’Equatoria depuis le départ d’Emin permettent de répondre à la seconde question. Le principal de ces documens est la relation du voyage du docteur Stuhlmann. En 1890, le gouvernement impérial allemand confia à Emin-Pacha la mission d’aller fonder des postes dans la région située entre les lacs Tanganyika, Victoria et Albert. Le docteur Stuhlmann accompagnait Emin en qualité de lieutenant. Ils séjournèrent en 1891 pendant plusieurs semaines sur le haut plateau qui domine le lac Albert au sud-ouest. Ils y trouvèrent cantonnée une fraction des soldats d’Emin qui avaient refusé de quitter avec lui le pays le 10 avril 1889. Ils recueillirent donc sur l’état politique de la province des détails tout frais. Les deux explorateurs se séparèrent le 10 décembre 1891. Emin continua seul à s’enfoncer dans l’ouest. Il essaya de franchir la région, — encore très mal connue, qui s’étend entre le lac Albert et le Congo, et tomba, vers le 20 octobre 1892, sous les coups des musulmans, qui dominent dans cette partie de l’Afrique. Stuhlmann revint à la côte, puis en Allemagne. Il a récemment publié le récit de son expédition[1].

D’autre part, le capitaine Lugard étant également entré en relation avec les anciens soldats d’Emin, l’histoire de sa mission

  1. Dr. Franz Stuhlmann, Mit Emin-Pascha ins Herz von Afrika. Un vol. in-8o Berlin, 1894.