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nécessaires que le chef d’état-major incomparable dont il ne pouvait plus se passer : Chamlay eut l’ordre de le rejoindre[1]. M. de La Frézelière remplace Saint-Hilaire dans le commandement de l’artillerie.

Le duc d’Anguien, étant d’âge à voyager plus vite que son père, qui ne pouvait plus guère se séparer de son équipage, courut la poste jusqu’à la cour pour recevoir les derniers ordres du Roi. Il repartit presque aussitôt, rapportant les réponses, assez insignifiantes, de Louvois à un questionnaire compliqué, ainsi que les pouvoirs nécessaires pour prendre, aussitôt arrivé, le commandement de l’armée d’Allemagne.

M. le Prince avait reçu communication des ordres[2] envoyés d’urgence aux lieutenans généraux de Turenne (on ignorait encore la mort de Vaubrun). En les autorisant à ramener l’armée en deçà du Rhin, le Roi leur prescrivait de renvoyer à Brisach l’infanterie qui en était sortie, de veiller sur Haguenau et Saverne et de se mettre en communication avec le maréchal de Créqui; celui-ci, renforcé de quatre mille hommes, devait les soutenir. Prendrait-il le commandement? Ce point restait obscur. Il faut croire que Créqui était muni de quelque instruction secrète, car on s’attendait à le voir quitter les bords de la Moselle pour accourir sur le Rhin ; et dans ce cas le duc de Duras, éventuellement désigné pour aller en Allemagne, devait se rendre à Nancy pour y remplacer Créqui[3]. Cette singulière mutation n’eut pas lieu ; mais cette espèce d’imbroglio eut de graves conséquences. Duras entra en fonctions, et M. le Prince comptait bien rencontrer Créqui sur sa route. Dès sa seconde étape, il avait reçu les premières nouvelles d’Altenheim; elles annonçaient un combat fort glorieux, sans en marquer le caractère et sans annoncer le passage du fleuve. Condé vit là un fâcheux pronostic : « Ce combat ne décidera rien, aura fait tuer et blesser bien du monde et retiendra l’armée en lieu où il n’y a plus de fourrages. Les ennemis pourront se retrancher là où ils sont, faire passer du monde à Strasbourg assez considérablement pour disputer le passage[4]. » De plus en plus soucieux, il poursuivait sa marche aussi rapidement que le permettait l’allure de l’escorte et des équipages, fort incommodés par le mauvais temps, lorsqu’en passant par Vitry, le 13, il reçut un nouveau coup de foudre.

  1. Louvois à M. le Prince, 4 août. A. C.
  2. 31 juillet. Le Roi à MM. de Lorges et de Vaubrun. A. C. (copie).
  3. Louvois à l’intendant Charuel, Louis XIV au duc de Duras, 29 juillet. A. C. (duplicata).
  4. M. le Prince à M. le Duc; Péronne, 5 août, A, C.