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Le mouvement commença le 28 juillet au soir, et s’exécuta avec assez de méthode; tous les détachemens furent ralliés, les magasins de Freistett et de Willstett levés; les approvisionnemens qu’on ne put enlever furent détruits. L’ennemi ne se montra pas d’abord, mais il se fit voir au passage de la Rench et s’engagea avec assez de vivacité lorsque les Français abandonnèrent Willstett pour traverser la Kinzig. A l’entrain de ceux-ci, on put juger ce qui se passait dans leur cœur: ils ne rêvaient que vengeance. L’ennemi sembla étonné et disparut.

L’armée ne rencontra dans sa marche d’autres difficultés que celles qui entravaient les opérations depuis le commencement de la campagne : marais, cours d’eau tortueux, bois touffus. Le 1er août, elle s’arrêta dans une assez belle plaine, bordée vers Test par la grande Schotter, flanquée par de gros moulins et un ou deux vieux châteaux, et vers l’ouest séparée du Rhin par des bois, coupée en deux par un bras de la rivière, dit petite Schotter. Au fond de la plaine, le gros bourg d’Altenheim semblait un solide réduit; c’était aussi la tête de pont.

M. de Lorges avait formé un corps de huit bataillons et de seize escadrons, qui devait rester en position et tomber sur le flanc de l’ennemi en cas d’agression pendant que l’armée traverserait le fleuve; mais Vaubrun, survenant, jugea la précaution inutile; heureux de faire acte d’autorité, il rallia ce détachement et lui donna l’ordre de passer immédiatement sur l’autre rive. L’armée avait reformé ses deux lignes : la seconde, devenue première, était rangée derrière la petite Schotter; la première, devenue seconde, allait suivre le mouvement du corps renvoyé par Vaubrun. La brigade de Champagne[1], chargée de l’arrière-garde, était restée en avant de la Schotter, se reposant sur les armes. Aucune cavalerie ne surveillait les mouvemens de l’ennemi, si bien que celui-ci arriva soudainement sur la brigade de Champagne; malgré son expérience, cette troupe aguerrie fut rejetée en désordre au delà de la Schotter sans avoir pu envoyer sa décharge[2].

La seconde ligne, devenue .première, reçut le choc de son mieux. La bataille se développa avec une série d’incidens dont le récit nous entraînerait trop loin. Vaubrun alla lui-même chercher

  1. L’infanterie était divisée en brigades, chacune portant le nom du plus ancien régiment. Voici quelle était la composition de la brigade de Champagne : Champagne, 2 bataillons; Turenne, 1 bataillon: Orléans, 1 bataillon; La Ferté, 1 bataillon; Languedoc, 1 bataillon. En tout 6 bataillons.
  2. Que le lecteur veuille bien se rappeler combien on était loin alors du tir rapide. Cependant les formations s’allongeaient. A Rocroy, l’infanterie se présentait en carrés pleins de bataillons en masse. Dans la journée d’Altenheim, les bataillons étaient réellement déployés sur quatre rangs.