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avaient pris plus de temps que l’action. Les alliés en sortirent malmenés, mais non sans honneur. La cavalerie wallonne soutint sa vieille réputation ; ses débris purent se retirer à travers les bosquets, qui facilitèrent aussi la retraite de l’infanterie. Ils emmenaient quelques blessés, le comte de Waldeck, le prince Charles, détaché par M. de Souches et futur duc de Lorraine. Ils en laissaient plus aux mains des Français, entre autres le marquis d’Assentar, le général espagnol, qui avait déployé le plus brillant courage[1]. Là encore un Mérode se fit tuer; c’est une vaillante race.

Vers une heure et demie après-midi, Luxembourg, à l’extrême droite, avait gagné beaucoup de terrain; au centre, l’infanterie française occupait le château de Scailmont, au pied de la côte du Prieuré.


V. — UNE HEURE ET DEMIE. COMBAT DU PRIEURE-SAINT-NICOLAS. MORT DE FOURILLES. DÉFAITE DES HOLLANDAIS.

Voici Condé aux prises avec le plus passionné de ses adversaires. Cramponné au prieuré de Saint-Nicolas-des-Bois, Guillaume fait ferme pour recueillir les troupes battues, sauver son artillerie, partie de ses équipages, laisser à M. de Souches le temps d’arriver, et, avec l’aide de Dieu, reprendre l’offensive. Les passages deviennent de plus en plus étroits, les pentes plus raides, le pays plus couvert. Ces obstacles n’arrêtent pas M. le Prince ; il a la Maison du Roi sous la main, il en usera, et tout de suite. La cavalerie légère, que les escadrons arrivant du camp grossissent à chaque instant, se range un peu en arrière sur le terrain récemment conquis vers Scailmont; c’est Luxembourg qui la commande; appuyant à droite, il ira chercher les troupes ennemies qui escortent l’artillerie et les équipages, et, par ce mouvement, tournera le réduit du Prieuré. L’infanterie attaquera de front cette position, que les Gardes du corps et les Gendarmes aborderont par la gauche, se déployant de leur mieux dans un terrain très accidenté ; aussitôt formé, leur premier échelon chargera; M. le Prince se portera un peu plus loin avec le second. Brièvement il donne des instructions à Fourilles comme à un homme qui sait comprendre à demi-mot : Allez tête baissée; vous serez soutenu. De son côté, Fourilles a l’aisance d’un lieutenant éprouvé; n’a-t-il pas la confiance de son général? n’est-il pas trop connu pour

  1. Il mourut de ses blessures et fut enterré à Mons. — « Don Fernando de Acuña, marquis d’Assentar, grand de Portugal, gouverneur de Novare, mestre de camp du meilleur et du plus ancien terce espagnol, nommé le terce de Lombardie. On peut dire de lui sans exagération que c’estoit le plus sage, le plus intrépide et le plus judicieux capitaine que les Espagnols ayent eu de son temps en Italie et en Flandre. » (Mémoires manuscrits du baron de Woerden.)