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parvient avant le 15 août, c’est-à-dii-e avant la session des conseils généraux, ce sera merveille ! La commission du budget commence à peine son œuvre laborieuse. Elle sera longue : que fera la Chambre en attendant? Les projets de loi déjà étudiés et à l’état de rapports ne sont pas nombreux : il est à craindre que les interpellateurs ne trouvent la place libre pour les exercices dont ils sont coutumiers, et qu’ils n’en profitent, qu’ils n’en abusent même. La Chambre a pourtant témoigné, dès le premier jour, son désir de travailler en renvoyant à un mois une interpellation de M. Jaurès sur la grève de Trignac ; mais son ordre du jour est un peu vide, et M. Jaurès, sans parler de quelques-uns de ses amis, est homme à trouver tous les matins, sans le moindre effort d’esprit, un sujet ou deux d’interpellation.

On en trouvera, par exemple, dans les questions religieuses. L’incident très regrettable qui a été provoqué par une lettre de l’archevêque de Lyon et par les suites que le gouvernement y a données a ramené les esprits à ces problèmes irritans. On a beaucoup reparlé, à ce sujet, de « l’esprit nouveau ». — Où est donc cet esprit? a demandé la droite. Nous ne l’apercevons pas. — Voilà où il conduit! a déclaré la gauche : le cléricalisme relève la tête et devient provocant. — Là, on se plaint de la mesure de rigueur prise par le gouvernement contre un archevêque qui est parmi les plus concilians; ici, on la trouve dérisoire, et on en réclame de plus répressives. Presque nulle part on ne rencontre une approbation pleinement satisfaite, parce que de tous les côtés, il faut bien le dire, on cherche beaucoup moins à juger l’incident en lui-même qu’à en tirer parti au profit d’une politique particulière. Une certaine confusion en est résultée.

L’origine de toute cette affaire est la récente loi sur la comptabilité des fabriques, loi parfaitement justifiable dans ses intentions, mais très médiocre dans sa rédaction. Le Conseil d’État, qui aurait dû en rendre l’application plus facile, l’a encore aggravée : il en a, en effet, appliqué les prescriptions à la comptabilité du casuel, qui n’était pas en cause et ne devait pas l’être. Il aurait fallu, dans ce cas spécial, simplifier les règles ordinaires de la comptabilité : on n’en a rien fait, et on a étendu ces règles très au delà de la pensée première du législateur. Le clergé s’en est ému. Il a présenté des observations, ce qui était son droit : tout porte à croire que le gouvernement ne les a pas repoussées de parti pris. La question était complexe et délicate; elle méritait examen. Quelques prélats ont écrit des lettres véhémentes; ils ont été peu nombreux, et le corps épiscopal s’est sagement abstenu de manifestations collectives. L’affaire était à l’étude, lorsque la lettre de M. Coullié, archevêque de Lyon, est parvenue un peu par hasard à la connaissance du gouvernement. Que disait cette lettre? Laissant entrevoir des modifications probables et prochaines à la loi, elle