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choc, et tournent bride au galop[1] dans la direction qu’avait prise le gros de l’armée alliée. Ils abandonnent leurs colonels et nombre de prisonniers, parmi lesquels le duc de Holstein, le comte de Solms et plusieurs autres personnages de marque, la plupart blessés. Blessé aussi, le prince de Vaudemont, qui a été entraîné dans la déroute. Une grande partie des équipages ont été abandonnés, les charretiers ayant coupé les traits pour se sauver; d’autres, éperdus, emmènent leurs voitures vers les défilés déjà encombrés par les convois.

Le succès est éclatant. L’arrière-garde des confédérés, ce gros détachement de plus de huit mille hommes d’élite, est absolument anéantie; tous les trophées de guerre, drapeaux, étendards, timbales, sont aux mains des Français. Les survivans sont des prisonniers, ou des fuyards qu’on ne ralliera plus.

Ce premier engagement a duré une heure et demie ; c’est celui qui a gardé plus particulièrement le nom de combat de Seneffe. Est-il permis de le définir et de le limiter comme on a l’habitude de faire? Les actions de guerre ne peuvent se diviser par tranches dont on prend ou laisse ce qui convient. Ces divisions, qu’il faut introduire dans le récit de la journée du 11 août pour tâcher d’y mettre un peu de clarté, étaient à peine sensibles dans la réalité, et les incidens de la journée vont se succéder, s’enchaîner sans interruption réelle.

M. le Prince devait-il, pouvait-il s’en tenir à cette moisson de lauriers, saluer poliment les confédérés, dont il voyait le nombre grossir en face de lui sur les hauteurs, et retourner pacifiquement dans son camp, comme il se pratique aux exercices de manœuvres? On l’a beaucoup dit. Mais n’oublie-t-on pas une condition préalable, indispensable? Il eût fallu le consentement du prince d’Orange. — A notre avis, Condé aurait eu tort d’y compter; s’il avait été d’humeur à lâcher prise quand il tenait l’ennemi, il n’est pas douteux que Guillaume ne l’eût reconduit de belle façon, en le poussant et en lui infligeant le plus rude des échecs.


IV. — MIDI. COMBAT DE LA COURRE-AUX-BOIS. L’ARMÉE D’ESPAGNE REPOUSSÉE.

Le prince d’Orange conserve la direction générale et l’exerce avec efficacité. Il se tient au Prieuré-Saint-Nicolas; une grande lieue de pays le sépare de Seneffe. C’est bien loin ; mais derrière lui l’armée impériale est plus loin encore. De cette position presque centrale, Guillaume peut embrasser l’ensemble, se tenir en communication avec M. de Souches, dont il attend le secours

  1. Lettre du prince d’Orange aux États-Généraux, 18 août 1674.