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président de la caisse, c’est-à-dire le maire de la ville et le conseil des directeurs, sont enchantés de ce développement des opérations, car ils sont préoccupés avant tout d’un point, capital à leurs yeux : l’augmentation continue du solde dû aux déposans. Si chaque année voit s’élever le solde, tout est bien, l’institution des caisses d’épargne est en pleine prospérité.

Cet état d’esprit des caisses d’épargne explique la résistance obstinée qu’ont rencontrée les timides innovations élaborées par le Parlement et formulées dans le projet de loi que va discuter le Sénat.

Un observateur désintéressé estimera qu’il est contraire à toute raison que l’Etat assume la responsabilité de rembourser à vue 3 milliards de francs, dont il n’a pas besoin, auxquels il ne doit d’ailleurs pas toucher, et qu’il est obligé de placer en ses propres valeurs.

Tout autre est le point de vue des administrateurs d’une caisse d’épargne particulière. Là n’existe plus la préoccupation des 3 milliards. On se trouve en présence d’un capital relativement modeste, 25 ou 35 millions, qui a été envoyé à la Caisse des dépôts et consignations. Celle-ci répond du capital, paie un intérêt de 3,50 pour 100 et se charge d’envoyer les fonds nécessaires s’il survient des demandes anormales de remboursement. Nulle crainte, par conséquent.

La Chambre vient à voter une disposition aux termes de laquelle le maximum de chaque dépôt sera ramené de 2 000 à 1 500 francs. La mesure est trouvée détestable, et justement pour la raison qui la faisait réclamer par les économistes, parce qu’elle tendra à réduire le total des dépôts par l’élimination progressive des comptes les plus forts appartenant à des capitalistes ou à des commerçans qui se servent de leur dépôt aux caisses comme d’un compte courant chez un banquier.

On invoque l’argument qui a été plusieurs fois porté à la tribune, même par des membres du gouvernement, savoir que ce sont les livrets supérieurs à 1 000 francs qui seuls fournissent aux caisses d’épargne les ressources annuelles avec lesquelles elles s’administrent. Or, sur le total de 3 milliards que doit l’État aux caisses d’épargne, il y a au moins un milliard[1], probablement un milliard et demi, constitué par des dépôts supérieurs à 1 500 francs et auxquels logiquement les caisses d’épargne devraient

  1. A la fin de 1802, sur un ensemble de 5 948 882 livrets correspondant à une somme totale de 3 052 160 000 francs, on comptait 787 285 livrets de 1 000 à 2 000 francs pour 1 135 millions, et 495 391 livrets de 2 000 francs et au-dessus, ces derniers passibles de réduction dans un délai de trois mois, pour 1 022 millions.