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360 millions sur 1891, de 344 millions sur 1890. Qui oserait prétendre qu’une telle reculade soit sans signification ?

Il faut considérer que, d’une manière générale, nos achats au dehors portent sur deux catégories principales de marchandises, les objets d’alimentation et les matières premières, tandis que la branche dominante de nos exportations comprend les objets fabriqués.

L’activité ou le ralentissement dans nos achats d’objets d’alimentation dépend de facteurs naturels, de l’influence des saisons, de l’abondance ou de l’insuffisance des récoltes. Mais il dépend de nous d’établir ou de maintenir nos relations avec les étrangers sur des bases telles que nous ayons toujours assurés nos approvisionnemens en matières premières et l’écoulement de nos objets fabriqués.

Or les protectionnistes ont pris les objets d’alimentation pour pivot de toute leur politique et ils ont rompu nos traités de commerce au risque de compromettre nos débouchés.


II.

Lorsque l’on examine les chiffres annuels de nos importations, et de nos exportations, on remarque la persistance d’un écart considérable entre les uns et les autres, les premiers étant toujours les plus élevés. Cet excédent des importations a été de 840 millions en moyenne par année depuis 1885. Il a été de 470 millions pour le premier trimestre de cette année.

Voilà certes un beau thème à déclamation pour les derniers fidèles de la théorie mercantile, du vieux paradoxe de la balance commerciale. La commission des douanes, qui élucubrait les tarifs autonomes vers la fin de 1891, ne pouvait manquer de s’emparer de cet argument. Il fut expliqué gravement dans la commission que, depuis les traités de commerce de 1860, la balance commerciale avait toujours été contre la France.

En 1859 la France touchait de l’étranger 626 millions de plus qu’elle n’avait à lui payer.

Trente et un ans plus tard, elle avait à payer à l’étranger 683 millions de plus qu’elle ne lui avait vendu.

Vraiment l’argument avait bon air ; on en voyait ressortir que chaque année jadis la France s’enrichissait, tandis que maintenant, chaque année, elle est en perte et doit s’appauvrir.

L’argument ne vaut rien cependant ; la théorie de la balance commerciale est encore applicable aux pays jeunes, de production