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qu’il nommait courans de conduction ; il usa si heureusement de ce guide que, sans jamais recourir au contrôle de l’expérience, il parvint à constituer de toutes pièces, à côté de l’électrodynamique des courans de conduction, d’électrodynamique des courans de déplacement.

Parmi les propositions dont l’ensemble constitue cette électro-dynamique nouvelle, voici assurément la plus saisissante :

Lorsqu’en une région d’un diélectrique qui était tout entier à l’état neutre on a fait naître des courans de déplacement, cette région va en s’étendant avec le temps comme la région agitée d’une eau où l’on a lancé une pierre ; la perturbation électrique se propage, et les équations qui régissent cette propagation sont semblables à celles qui régissent la propagation d’un mouvement vibratoire transversal dans un solide élastique. Cette propagation se fait, dans chaque diélectrique, avec une certaine vitesse, caractéristique de la nature du diélectrique ; la théorie ramène la détermination de cette vitesse à la mesure de certains élémens dont les méthodes usuelles aux électriciens permettent d’obtenir la valeur. Des expériences de W. Weber et de M. Kohlrausch, antérieures aux recherches théoriques de Maxwell, avaient déterminé les grandeurs de ces élémens dans le cas particulier où le diélectrique étudié est l’air ; le calcul, fait au moyen de ces données, de la vitesse de propagation d’une perturbation électrique dans l’air, conduisit Maxwell à ce résultat surprenant, que de nouvelles mesures et de nouveaux calculs n’ont cessé de confirmer : la vitesse de propagation des courans de déplacement dans l’air est égale à la vitesse de la lumière dans le même milieu.

Comme Fresnel, Maxwell inventait mieux qu’il ne savait justifier ses inventions ; les raisonnemens par lesquels il a démontré que, dans un diélectrique, les courans de déplacement se propageaient suivant les mêmes lois que les vibrations transversales au sein d’un milieu élastique, les considérations pas lesquelles il a établi la formule servant à déterminer indirectement la vitesse de cette propagation, réservent plus d’une pénible surprise à l’esprit amoureux de la clarté et soucieux de la rigueur ; il était donc de toute importance que les principales conclusions de la théorie de Maxwell fussent soumises au contrôle direct de l’expérience ; elles l’ont été dans ces dernières années, grâce aux ingénieuses méthodes créées par Heinrich Hertz, au cours d’une existence trop tôt brisée ; aujourd’hui l’on peut dire que la loi suivante est sinon définitivement acquise à la physique, du moins bien près de l’être : dans l’éther, les courans de déplacement se propagent avec une vitesse finie qui est la vitesse même de la lumière.