Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 123.djvu/123

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vu, les lois de la double réfraction prouvent avec non moins de certitude que l’éther existe dans tous les milieux diaphanes. Ainsi, la matière pondérable n’est pas seule dans l’univers ; ses particules nagent en quelque sorte au milieu d’un fluide. Si ce fluide n’est pas la cause unique de tous les faits observables, il doit au moins les modifier, les propager, compliquer leurs lois. Il n’est donc plus possible d’arriver à une explication rationnelle et complète des phénomènes de la nature physique sans faire intervenir cet agent, dont la présence est inévitable. On n’en saurait douter, cette intervention, sagement conduite, trouvera le secret ou la véritable cause des effets qu’on attribue au calorique, à l’électricité, au magnétisme, à l’attraction universelle, à la cohésion, aux affinités chimiques ; car tous ces êtres mystérieux et incompréhensibles ne sont, au fond, que des hypothèses de coordination, utiles sans doute à notre ignorance actuelle, mais que les progrès de la véritable science finiront par détrôner. »

Cependant cet accord harmonieux entre les lois de l’optique et les propositions de la théorie de l’élasticité ne devait pas tarder à être troublé par de graves difficultés.

Tous les physiciens regardaient l’éther lumineux comme un fluide ; or un théorème célèbre de Lagrange montre que, dans un fluide, la vitesse de propagation des mouvemens transversaux est nulle ; au sein d’un fluide quelconque, un mouvement transversal, un mouvement tourbillonnaire, ne peut passer des parties auxquelles il a été d’abord communiqué aux parties qui étaient primitivement immobiles ; les premières le conservent éternellement. Si donc l’éther était un fluide, la lumière, qui consiste en un mouvement transversal, ne s’y propagerait pas ; pour qu’elle s’y puisse propager, il faut que l’éther, ce corps qui pénètre partout, qui cède au mouvement des astres sans y apporter de retard appréciable en des milliers d’années, soit non pas un fluide, mais un milieu doué de rigidité, un milieu solide.

Sur cette première difficulté, passons condamnation.

Prenons deux milieux élastiques en contact ; imaginons que des petits mouvemens transversaux, propagés dans le premier milieu, tombent sur la surface qui le sépare du second ; ils vont se réfléchir en partie et se réfracter en partie ; la théorie de l’élasticité permet d’établir les lois de cette réflexion et de cette réfraction ; les rayons réfléchis et réfractés ont bien les directions que l’optique élémentaire assigne aux rayons lumineux réfléchis et réfractés ; mais il s’en faut bien que la force vive et l’état de polarisation des mouvemens propagés par ces rayons soient représentés par les formules, connues depuis Fresnel, vérifiées par