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Prenons une file de parties matérielles commençant à la source lumineuse et finissant à notre œil ; au moment où la première de ces parties, celle dont émane la lumière, s’avance dans la direction du rayon, la seconde, au lieu de s’avancer également, diminue de volume ; ce n’est qu’au bout d’un instant qu’elle fait ressort et reprend son volume primitif en comprimant la troisième ; c’est par une alternative de compressions et de dilatations, très rapides, il est vrai, mais exigeant cependant un certain temps pour s’accomplir, que la lumière se propage ; si les diverses parties du corps au travers duquel se transmet la lumière sont très peu compressibles, chacune d’elles, comprimée, reprendra très vite son volume primitif ; la lumière se communiquera à de grandes distances en très peu de temps, mais non pas instantanément.

C’est de la même manière que le son se propage dans l’air ; l’air, sans lequel le son ne peut se communiquer à distance, étant très compressible, le son se transmet avec une vitesse modérée, qui n’est que la millionième partie de la vitesse de la lumière ; mais cette extrême différence entre la vitesse du son et la vitesse de la lumière n’est que l’indice d’une extrême différence entre la facilité avec laquelle l’air se laisse comprimer et la très grande résistance que la matière chargée de transmettre la lumière, la matière éthérée, oppose à la compression ; « l’agitation au reste des particules qui engendrent la lumière doit être bien plus prompte, et plus rapide que n’est celle des corps qui causent le son, puisque nous ne voyons pas que le frémissement d’un corps qui sonne est capable de faire naître de la lumière, de mesme que le mouvement de la main dans l’air n’est pas capable de produire du son »

Huygens est le premier qui ait rapproché le mécanisme suivant lequel se propage la lumière du mécanisme suivant lequel se propage le son ; ce rapprochement a été fécond ; la théorie du son a suggéré à la théorie de la lumière ses hypothèses les plus utiles, celles qui sont à la base même de l’optique moderne.

Le sentiment de l’analogie entre l’acoustique et l’optique a conduit Huygens à proposer une explication des phénomènes de la réflexion et de la réfraction de la lumière ; cette explication, le siècle suivant l’a reléguée dans l’oubli, mais le nôtre l’a reprise et rendue classique ; si la lumière se réfracte en passant d’un milieu dans un autre, c’est qu’elle se propage dans les diiférens milieux avec des vitesses différentes ; l’indice de réfraction n’est autre chose que le rapport entre la vitesse qu’avait la lumière dans le milieu qu’elle quitte et la vitesse qu’elle a dans le milieu où elle entre ; proposition mémorable, que Fermat avait découverte