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Le second auxiliaire, mais non le moins utile, du ministre serait un Conseil des colonies.

Pourquoi un Conseil des colonies, quand déjà ces colonies sont reliées au gouvernement métropolitain par leurs gouverneurs, quand certaines d’entre elles sont représentées au parlement et possèdent des assemblées locales, quand enfin nous demandons pour chacune un agent général ? Parce que gouverneurs, sénateurs et députés, assemblées locales, agens généraux ne suffisent pas à éclairer le gouvernement. Le gouverneur fait l’apologie de son administration ; les sénateurs et députés ne représentent qu’une fraction de la population ; les assemblées locales et les agens généraux peuvent défendre des intérêts opposés à ceux de la métropole.

Au surplus, je me hâte de dire que, dans ma pensée, ce Conseil des colonies, au début, se réduirait à peu de chose. Nos colonies ne sont pas suffisamment homogènes pour être toutes représentées dans un même conseil. Il y a entre elles beaucoup plus de différences assurément qu’il n’y en a entre l’Angleterre et la France, entre l’Allemagne et l’Italie. Les Antilles et la Réunion sont des départemens français ; les colonies de l’Afrique occidentale, sauf peut-être le Sénégal, ne sont guère que des comptoirs ; la Guyane et la Nouvelle-Calédonie sont surtout des établissemens pénitentiaires. L’Algérie dépend de l’Intérieur, la Tunisie et Madagascar des Affaires étrangères. Je ne vois que l’Indo-Chine qui forme un tout homogène, qui relève en entier du même ministère et qui puisse motiver et réclamer la création d’un Conseil près du ministre des Colonies. En sorte que tout d’abord le Conseil des colonies se réduirait à un Conseil de l’Indo-Chine française.

Ce Conseil est à peu près indispensable. L’Indo-Chine française renferme une population nombreuse, pleine d’activité et d’industrie ; elle avoisine des pays riches et dont nous devons tenter la conquête économique ; elle possède des ressources agricoles et minières immenses ; elle dispose de voies commerciales de premier ordre ; elle a attiré des colons riches et entreprenans. Elle espère beaucoup de l’avenir ; elle attend impatiemment des voies ferrées, des ports, des banques ; elle prétend recourir prochainement au crédit public ; elle va, avant peu, soulever un certain nombre de questions capitales. Ces questions, un ministre ne peut les résoudre sans le concours d’hommes compétens ; dès qu’elles se poseront, il nommera, pour sa décharge, une commission ; qu’il crée tout de suite le Conseil de l’Indo-Chine ; ce sera une commission compétente, qui travaillera, celle-là, et qui aboutira.