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Nous avons des colonies, les Antilles et la Réunion, qui n’ont plus rien d’une colonie. La population y est française ; les lois y sont françaises ; les mœurs, — autant que le permet la latitude, — y sont françaises ; le sol entier y est occupé. Elles peuvent encore recevoir des fonctionnaires ; elles ne peuvent plus recevoir un colon. Ces pseudo-colonies, ces véritables départemens français, aussi français assurément que la Corse, pourraient être détachées du ministère des Colonies et, de même que la Corse, rattachées au ministère de l’Intérieur.

Un sénateur de ces îles l’a proposé au sénat. On prétend que cette proposition cache un espoir : une fois rattachées à l’Intérieur, ces colonies se croiraient assurées de conserver à jamais leur représentation au parlement. Il se peut qu’en effet tel soit le but de cette proposition. Malgré cela, je l’appuierais volontiers, pour un autre motif : ces colonies prennent au ministre et à l’administration un temps qui pourrait être plus utilement employé. Trois départemens de plus n’écraseraient pas le ministère de l’Intérieur, ces trois colonies de moins laisseraient le ministère des Colonies singulièrement allégé.

Mais je n’insiste pas : ce transfert semblerait ridicule au lendemain de la création d’un ministère spécial des Colonies. Ne changeons donc rien à ce qui est et laissons faire le temps.


11. — LES ATTRIBUTIONS DU MINISTRE DES COLONIES : LES SERVICES AUTONOMES ET LE RECRUTEMENT DU PERSONNEL.

Le premier ministre des Colonies va encore certainement être sollicité, ne disons plus cette fois de délimiter, mais de limiter ses attributions. On le sait avisé, pétri de bon sens et ménager des deniers publics : on ne manquera pas de lui faire sentir le bon goût qu’il y aurait, au lendemain d’une victoire remportée de haute lutte, à se présenter devant le parlement avec un plan d’organisation modeste. Pas trop de fonctionnaires dans le ministère ; pas trop d’attributions pour le ministre. Le ministre des Colonies remplace outre-mer les sept ou huit ministres de la métropole. Il a charge de la politique, de l’administration, de la sécurité, de la justice, des travaux publics, de l’instruction, des finances, etc. Va-t-il dans son département constituer autant de directions spéciales ? Ce serait, à tout le moins, puéril, quand, à côté de lui et comme lui dévoués au bien du pays, il a ses collègues qui se feront un devoir de l’assister. Veut-il créer des écoles et établir un plan d’éducation ? Qu’il s’en fie au ministre de l’Instruction publique ? Veut-il organiser des tribunaux ? Qu’il s’en