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allures pour ne jamais exiger un mouvement quand il est impossible au cheval de l’exécuter[1].

Reste à faire un choix parmi tous les moyens qui ont été successivement préconisés par les maîtres. Nous voyons tout d’abord que, si les premiers écuyers ont exercé les chevaux dans les terres labourées, c’est parce que la lourdeur du terrain rendait les mouvemens du cheval difficiles, par conséquent l’empêchait de s’emporter ou de se défendre longuement ; mais il y avait un grave inconvénient, celui de fatiguer considérablement les membres et même les organes essentiels d’un jeune animal, encore inaccoutumé au travail. De plus, comme l’a fort bien dit le comte d’Aure dans son Aperçu des diverses équitations, les chevaux du temps de Grison étaient lourds et apathiques, manquaient de sensibilité ; il fallait donc user de quelque violence pour réveiller leur ardeur ; mais les mêmes moyens employés aujourd’hui sur nos chevaux qui ont beaucoup plus de sang produiraient infailliblement de graves désordres et seraient désastreux. Les manèges clos constituent un immense progrès, puisqu’ils permettent de se rendre complètement maître du cheval qui ne reçoit aucune impression de l’extérieur, qui travaille sur un bon terrain et qui trouve dans les murs des obstacles dont un dresseur habile peut tirer le plus grand parti pour réduire toujours l’animal à l’obéissance sans avoir recours à la brutalité. C’est donc dans un manège que doit se faire le premier dressage ; on peut à la rigueur se servir d’un endroit clos et tranquille ; mais jamais on n’y obtiendra des résultats aussi certains ni aussi rapides que dans un manège bien construit et de bonnes dimensions.

Maintenant, faut-il, au début, employer le pilier, les deux piliers, la longe ou la cravache ? Il est certain que le dresseur doit, avant toutes choses, se rendre maître de la tête de l’animal de manière que celui-ci ne puisse en aucun cas s’échapper ; et qu’aussitôt ensuite il doit s’assurer les moyens d’obtenir le mouvement en avant.

Le cheval étant attaché au pilier par une longe solide, on est maître de sa tête ; en le faisant tourner à droite et à gauche à l’aide de petits coups donnés sur la cuisse ou sur le flanc, on devient aussitôt maître de l’arrière-main, c’est-à-dire de l’impulsion ; quand la croupe cédera aisément ainsi, il sera facile de faire exécuter les mêmes mouvemens à cheval, à l’aide de l’un ou de l’autre talon et, par suite, de déterminer l’animal en avant par l’action

  1. Exemples : Lever le pied d’un cheval pendant que le poids de son corps repose davantage sur ce pied ; tourner à droite pendant l’appui du membre antérieur droit, etc., etc.