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L’ancienne équitation, celle de La Guérinière, que les écuyers militaires jugeaient trop compliquée, était beaucoup plus rationnelle et plus pratique que celle de Baucher et de ses successeurs qui, prétendant « quintessencier » de plus en plus leurs théories, nous ont conduits au chaos actuel en dégoûtant de l’étude la plupart des jeunes cavaliers et en inspirant à quelques autres le désir de se faire remarquer par des excentricités ridicules.

Le comte Savary de Lancosme-Brèves, écuyer très habile, auteur de plusieurs ouvrages et entre autres de la Théorie de la Centaurisation, accomplit un véritable tour de force en menant à bien, dans son manège de la rue Duphot, l’instruction équestre de vingt jeunes recrues et le dressage de vingt chevaux neufs appartenant au 1er et au 2e régiment de carabiniers et qui lui furent confiés par ordre du maréchal Randon, ministre de la guerre. Après soixante-quinze séances, les hommes et les chevaux furent trouvée suffisamment instruits pour entrer à l’école d’escadron. Ce résultat toutefois ne me paraît avoir aucune signification pratique, attendu qu’il vaudra toujours mieux donner les premières leçons d’équitation sur des chevaux dressés et faire dresser les jeunes chevaux par de bons cavaliers. Lancosme-Brèves prétend que l’équitation est une « science positive » fondée sur la physiologie, l’anatomie et la mécanique ; les moyens qu’il indique ne diffèrent de ceux de ses prédécesseurs que par un point important : il montre que l’aide du corps, c’est-à-dire l’action de tourner, d’incliner le haut du corps, de tel ou tel côté en pesant davantage sur l’un ou sur l’autre étrier, a une influence considérable sur l’exécution facile des mouvemens du cheval, et il indique très exactement les différentes attitudes que devra prendre le cavalier selon les cas. La Guérinière avait effleuré le sujet, mais ses prescriptions étaient quelquefois fausses, comme lorsqu’il prescrivait « de peser sur l’étrier du dehors pour presser et faire aller de côté un cheval en dedans. »

Le capitaine Raabe, mon très aimé maître, s’illustra par une autre découverte d’une très grande portée. Frappé des erreurs qu’il avait reconnues dans les théories de tous les maîtres sur le mécanisme des allures, il se mit à l’étudier à son tour, s’y passionna et, par ses seules observations et ses calculs, il trouva les véritables lois de la locomotion qui se trouvèrent confirmées longtemps après par la photographie instantanée. Il put alors préciser l’instant que le cavalier doit saisir pour déterminer chaque mouvement et montrer que, s’il agit à tout autre moment, il ne pourra réussir, et souvent provoquera ainsi des résistances ou des défenses de la part de l’animal. Le capitaine Raabe eut malheureusement le tort, à mon avis, d’adopter les idées de Baucher sur les assouplissemens. Comme le colonel Gerhardt, il poussa très loin le dressage à la