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surtout discuta celles des autres ; ce furent des controverses interminables sur l’emploi de la rêne du dedans et de la rêne du dehors, sur la question de savoir si l’action des mains doit précéder ou suivre celle des jambes, ou si les deux doivent être simultanées ; si pour le départ au galop à droite il vaut mieux se servir de la jambe droite ou de la gauche, ou des deux ; bref sur tous les détails d’exécution. Et ces disputes durent encore.

Un désaccord de plus d’importance devait bientôt s’élever entre les maîtres civils d’une part et les maîtres militaires de l’autre. La haute école a toujours tenté les cavaliers ambitieux de briller. Peut-être l’école de Versailles s’occupait-elle un peu trop des airs de manège et prêtait-elle ainsi le flanc à la critique des écuyers militaires qui voulaient une équitation plus pratique et plus perçante ? Mais ceux-ci eurent souvent le tort de tomber d’un excès dans un autre et de prétendre rejeter comme inutile le travail du manège.

Le général de Bohan traite de singeries les allures artificielles de La Guérinière. Comme la plupart des cavaliers militaires, il semble d’ailleurs ne pas connaître grand’chose au premier dressage des jeunes chevaux ; mais ses conseils sont assez pratiques pour les chevaux de remonte qui ont déjà été plus ou moins débourrés. Il ne veut pas de rassembler, demande l’agrandissement des manèges, ce qui peut en effet avoir des avantages pour le travail d’ensemble, mais présente de grands inconvéniens pour le dressage. Il commence par le dressage à la longe, ne veut pas des piliers ; ensuite on monte le cheval sur la ligne droite, puis sur des cercles en lui laissant étendre ses mouvemens ; puis viennent le galop et enfin les pas de côté qu’il reconnaît nécessaires parce que, dans les manœuvres militaires, les chevaux sont souvent obligés d’appuyer à droite ou à gauche, mais dont il ne voit pas l’importance comme premier moyen de domination. Il fait des réflexions fort justes au sujet des embouchures et veut « qu’on s’occupe moins de toutes ces inspections de bouches et de toutes ces divisions entre bouches trop sensibles, bouches ardentes, bouches fortes, bouches qui évitent la sujétion du mors, barre sourde, barre tranchante, barre ronde, barre grasse, barre maigre, etc., etc. ; que l’on se borne à donner à toutes ces bouches, à toutes ces barres et à toutes ces barbes l’embouchure la plns douce, un simple canon entier, ajusté à la proportion de la bouche, c’est-à-dire qui ne soit ni trop large ni trop étroit et dont l’angle formé par les deux canons donne assez de liberté à la langue ; que les branches du mors soient seulement plus ou moins longues. » Les Anglais, qui n’ont jamais eu d’autre écuyer que leur fameux duc de Newcastle, qui n’ont même pas dans leur langue un mot